Pas de larmes pour Margaret Thatcher

Margaret Thatcher est morte le 8 avril 2013 à l’âge de 87 ans, après de longues ténèbres dues à la maladie d’Alzheimer. Triste fin pour une politicienne qui a influencé durablement la Grande-Bretagne et le monde entier. Pour moi, Margaret Thatcher fait partie des personnalités qu’on peut détester de toute son âme, parce qu’elles ont...

Margaret Thatcher est morte le 8 avril 2013 à l’âge de
87 ans, après de longues ténèbres dues à la maladie
d’Alzheimer. Triste fin pour une politicienne
qui a influencé durablement la Grande-Bretagne
et le monde entier.

Pour moi, Margaret Thatcher fait partie des
personnalités qu’on peut détester de toute son
âme, parce qu’elles ont anéanti des valeurs, des
institutions, des entreprises auxquelles on croyait.
Comme Pinochet pour l’anéantissement des espoirs
socialiste au Chili, Silvio Berlusconi pour la transformation de
l’Italie en un vaste peep show sans morale, Benyamin Netanyahou, qui a transformé Israël
en prison et ses fonctionnaires et soldats en matons qui oppriment chaque jour un peu plus
les Palestiniens, Philippe Brugisser et Marcel Ospel pour la faillite scandaleuse de Swissair,
Christoph Blocher pour avoir fait du pays de Henri Dunant une nation xénophobe. Cette liste
n’est naturellement pas exhaustive.

Margaret Thatcher, si elle a redonné de la croissance à la Grande-Bretagne et l’a sortie des
grèves d’électricité qui la plombaient, l’a fait avec une cruauté et un manque d’empathie qui
lui ont conféré le surnom de « dame de fer ». Fille de riches commerçants, elle a toujours cru
au mérite personnel. Dès son entrée en fonction de première ministre en 1979, elle
s’acharne à casser les puissants syndicats britanniques en restreignant fortement le droit de
grève, elle privatise des pans entiers de l’industrie, dont le circuit ferroviaire. Il faut voir ou
revoir le film Navigators de Kean Loach (2001) sur la privatisation de British Rail, même si
cela se passe sous le gouvernement de John Major, pour mesurer les dégâts de cette politique,
qui mena à une dégradation de presque tous les secteurs publics. Réélue en 1983,
elle s’oppose violemment aux mineurs et à son dirigeant Arthur Scargill.

Thatcher se montra également d’une intransigeance inhumaine envers les prisonniers de
l’IRA, à qui l’on avait dénié le droit d’être considérés comme des prisonniers politiques et
qu’on traitait comme des criminels. Pour protester, certains entamèrent une grève de la faim
fin 1980, puis en mars 1981. Leur leader, Bobby Sands, grâce à la vacance d’un siège, est élu
(en prison) lors de l’élection législative anticipée. Elle change alors la loi électorale en introduisant
le Representation of the People Act pour prévenir l’élection d’autres prisonniers de
l’IRA. Bobby Sands et neuf autres prisonniers mourront de leur grève de la faim. A une question
parlementaire relative à la mort de Sands, la dame de fer répondit : « Monsieur Sands
était un criminel condamné. Il a fait le choix de s’ôter la vie. C’est un choix que l’organisation
à laquelle il appartenait n’a pas laissé à beaucoup de ses victimes. » Fermez le ban !

Entre 1980 et 1982, l’exercice du pouvoir s’avère difficile. Les sondages lui donnent 18%
d’opinions favorables, l’austérité budgétaire forcenée entraîne une inflation entre 12 et
25%. Ce qui la sauve, c’est la sale guerre des Malouines (2 avril au 14 juin 1982), un îlot situé
dans l’Atlantique Sud, à 13’000 km de la Grande-Bretagne, que la junte argentine revendique
pour servir ses intérêts et qui entraînera sa chute en décembre1983.

Réélue, elle déploie alors ses véritables objectifs : libéralisation et privation tous azimuts,
réduction drastique de l’Etat providence, soutien aux ambitieux, ce qui entraîne une inégalité
sociale grandissante. Elle considère que l’Union européenne est trop dépensière et exige
la restitution d’une part importante de l’argent britannique investi. Elle entretient de
bonnes relations avec le dictateur Augusto Pinochet, dont elle prétend qu’il a rétabli la
démocratie au Chili (sic !).

Mais le pire de ses méfaits est la déréglementation des marchés financiers, concoctée avec
son complice Ronald Reagan (président des USA de 1981 à 1989), qui s’est étendue aux
pays développés. Avant ces deux prédateurs, la réglementation protégeait les entreprises,
leurs investisseurs et leurs créanciers contre les abus du marché. La déréglementation, également
autorisée par Bruxelles, a aboli l’ancienne obligation de transparence, rendu les
structures et les transactions boursières opaques et incontrôlées. Les premiers bénéficiaires
furent la City de Londres et la bourse de New York. La course en avant du fric à tout prix, des
montages insensés, comme les subprimes, a conduit à la crise mondiale que nous connaissons
aujourd’hui.

Je ne verserai donc pas une larme sur la mort de Margaret Thatcher, eu égard à toutes ses
victimes, passées, présentes et à venir, parmi elles les millions qui subissent dans leur chair
les conséquences de la dérégulation des marchés financiers.