Voilà une initiative incisive !

solidaritéS et le POP vaudois vont lancer une initiative pionnière pour une assurance dentaire obligatoire, financée par un prélèvement sur les salaires, afin de permettre l'accès aux soins à tous.

solidaritéS et le POP vaudois vont lancer une initiative pionnière pour une assurance dentaire
obligatoire, financée par un prélèvement sur les salaires, afin de permettre l’accès aux soins à tous.

Les Vaudois seront-ils les premiers
en Suisse à pouvoir se
faire rembourser les soins dentaires
grâce à une assurance obligatoire ?
C’est ce que veulent le POP et
solidaritéS qui ont décidé de lancer
une initiative cantonale, basée sur des
cotisations proportionnelles aux
revenus. Car la LAMal n’inclut pas
les traitements bucco-dentaires dans
ses prestations. Il fut impossible de
les inclure pleinement dans la loi de
1996, vu l’opposition tant des assureurs
que celle des dentistes euxmêmes
ou des adeptes du libéralisme
pur et dur. L’assurance maladie obligatoire
ne prend en charge ces coûts
que s’ils sont occasionnés par une
maladie grave et non évitable du système
de mastication.

Un texte simple et clair

Trois alinéas dans la Constitution
vaudoise devraient permettre de corriger
une situation injuste et, disonsle,
incompréhensible :
Al. 1 L’Etat met en place une assurance
obligatoire pour les soins dentaires
de base ainsi qu’un dispositif
de prévention en matière bucco-dentaire.
Al. 2 Il met en place un réseau de
policliniques dentaires régionales.
Al. 3 Le financement de l’assurance
des soins dentaires de base est
assuré par un prélèvement sur les
salaires analogue à celui de l’assurance
vieillesse et survivants (AVS).

Le droit fédéral en matière de
santé publique ne s’oppose pas à la
création d’une assurance cantonale
pour les soins dentaires, la LAMal ne
les couvrant pas pour l’essentiel.
Comme l’a relevé le député Jean-
Michel Dolivo, une telle solution
avant-gardiste avait été instaurée
dans le canton de Genève pour l’assurance
maternité et fut même prévue
dans la Constitution vaudoise

Une récente enquête dans la
région lémanique montre que 5% des
personnes renoncent à des soins
dentaires pour des raisons financières.
Déjà accablés par les cotisations
aux caisses maladie, les
ménages sont incités à devoir renoncer
aux soins dentaires afin de boucler
leurs budgets. On voit que les
milieux modestes sont les premiers à
en souffrir. Le président du POP
Gavriel Pinson a insisté sur l’importance
de prévoir des primes calculées
selon le revenu, une des très
anciennes revendications du POP.
Une telle garantie ne pourrait qu’encourager
à soutenir l’initiative pour
le bien commun. Car la qualité de la
santé bucco-dentaire a un impact
important sur la santé générale. Le
manque de soins conduit à toutes
sortes de maladies comme les rhumatismes,
des problèmes cardiaques,
des difficultés digestives et des
carences alimentaires, faute d’une
bonne mastication.

500 francs de frais
par an et par habitant

Comme l’a relevé Pierre Raboud de
solidaritéS, lors de la conférence de
presse, les coûts dentaires en Suisse
se sont élevés à 3’7 milliards en 2010
selon l’Office fédéral de la statistique
(OFS). Moins de 1,4 % de cette
somme faramineuse est assumée par
des assurances privées. C’est quasi
insignifiant. Ces assurances sont
chères et en plus elles appliquent des
règles et des plafonds très restrictifs.
La charge essentielle des soins dentaires
pèse donc lourdement sur les
ménages. Nombre de personnes sont
même contraintes de s’endetter pour
payer leur dentiste. A moins qu’elles
ne renoncent purement et simplement
à se faire soigner. Caritas
signale que les coûts dentaires sont
l’un des facteurs importants d’endettement.
Une récente émission de télévision
de la RTS « 36.9 » illustrait clairement
ce problème dans notre pays.

Pour le canton de Vaud, les statistiques
nous apprennent que le coût
des soins dentaires était de 325 millions
en 2007, ce qui permet de l’estimer
à 355 millions en 2010, comme
l’a relevé le popiste David Payot. Cela
représente 500 francs par an et par
habitant en moyenne. Toujours dans
ce canton, les personnes dont les
moyens sont si modestes qu’elles
reçoivent des prestations complémentaires
(PC AVS/AI) peuvent faire
rembourser leurs soins selon des
règles déterminées au niveau de la
prise en charge. Si l’on extrapolait ce
que cela coûte au canton, toujours
selon les calculs du SCRIS, et que l’on
appliquait ces critères de remboursement
à l’ensemble de la population,
cela coûterait 350 millions par an à
l’Etat de Vaud.

Ajoutons qu’il y a une policlinique
dentaire à Lausanne, mais pas ailleurs
dans le canton. En outre, si les communes
doivent assumer des services
de prophylaxie dentaire dans les
classes, sans pour autant garantir les
prestations à entreprendre pas plus
d’ailleurs qu’à permettre de les financer.
Tous les Vaudois ne sont donc
égaux, les jeunes enfants surtout. Une
étude récente du département cantonal
de la santé présentée au Grand
Conseil montre que la santé dentaire
des enfants, en progression jusqu’alors,
se dégrade depuis 1994.

Les Constituants avaient voulu
bien faire. L’art. 34 dit « Toute personne
a droit aux soins médicaux
essentiels. » Et l’art. 65 poursuit en
disant que l’Etat, pour contribuer à la
sauvegarde de la santé de la population,
assure notamment « à chacun
un accès équitable à des soins de qualité
». Pour une grande majorité des
habitants de ce canton, l’absence de
couverture d’assurance pour les soins
dentaires va à l’encontre de ces objectifs
constitutionnels. Il est donc légitime
de demander au gouvernement
d’instaurer une loi cantonale qui crée
une assurance obligatoire prenant en
charge les soins dentaires dont les
primes sont proportionnelles au
revenu. C’est ce qu’avait fait le groupe
POP-SolidaritéS en 2009 par la voix
du député Jean-Michel Dolivo. Sa
motion fut transformée en postulat et
envoyée au Conseil d’Etat par le
Grand Conseil. Depuis lors, le délai
de réponse est largement dépassé et
les articles de la Constitution ne restent
malheureusement que des voeux
pieux.

Recherche d’un large consensus
de soutien

La récolte de signatures devrait
démarrer cet été afin de permettre la
constitution d’une coalition de soutien
la plus large possible. Les initiants
ont invité partis et associations
à se joindre à eux en avril afin d’élaborer
la stratégie d’une démarche
unitaire et de récolter les 12’000
signatures nécessaires en trois mois.
C’est d’ailleurs ce qui s’était passé lors
de la récolte et de l’aboutissement de
l’initiative sur le salaire minimum. Il
y a donc un temps de discussion possible
sans toucher aux principes de
l’initiative. POP et solidaritéS ont
déclaré se réjouir de pouvoir rassembler
un maximum de forces en faveur
d’une initiative non seulement pionnière,
mais indispensable à la
conception de santé publique qui est
de la responsabilité des cantons.