L’association Ekir, qui dépend principalement de dons, voit sa liberté d’expression muselée.
Le restaurant social Ekir, à La Chaux-de-Fonds, sert depuis bientôt trois ans des repas de qualité à 7 francs. Le travail y est en totalité effectué par des bénévoles. Parmi ceux-ci, des gens « comme tout le monde » côtoient sur un pied d’égalité des personnes dont le parcours a été plus difficile, dont un certain nombre de bénéficiaires des services sociaux ou de l’AI, pour qui les programmes d’insertion officiels sont souvent trop rigides. Ici, chacun peut venir travailler à son propre rythme, régulièrement ou une fois de temps à autre. Il n’y a aucune hiérarchie et toutes les décisions sont prises par l’assemblée du mercredi, ouverte à tous les bénévoles.
Ce fonctionnement particulier n’est pas toujours bien compris, ni bien accepté, par des « bien-pensants » qui estiment que la « réinsertion » devrait se faire sous la supervision de travailleurs sociaux.
D’autres vont jusqu’à remettre en cause la liberté d’expression d’Ekir.
Ainsi, en septembre dernier, l’association s’est fait taper sur les doigts parce qu’elle avait osé contacter la presse locale pour se plaindre du niveau trop bas des subventions versées par la Ville de la Chaux-de-Fonds. Elle s’est fait immédiatement remettre à l’ordre par la Conseillère communale Annie Clerc, affirmant que « si une décision de subvention doit être remise en cause, elle devrait l’être par un courrier ou par une demande de rencontre ».
Plus récemment, l’association Table suisse, qui récupère les invendus des supermarchés et les redistribue, n’a pas admis qu’Ekir collabore à la pétition des Indignés de La Chaux-de-Fonds, qui exige que la Migros Neuchâtel-Fribourg cesse de jeter ses surplus et les donne plutôt à… Table suisse. Bien que la pétition ait rencontré un important succès et que la Migros se soit rapidement déclarée prête à négocier, Table suisse, craignant que ce genre de méthodes nuise à ses relations avec ses fournisseurs, s’en est vigoureusement désolidarisé, n’hésitant pas à parler de « pseudo-victoire ». On peut comprendre et respecter ce point de vue. En revanche, le chantage exercé par Table suisse laisse songeur : « Si une situation similaire venait à se reproduire, nous serions dans l’obligation de cesser immédiatement et de manière définitive toute livraison à votre association. Décision qui serait probablement plus lourde de conséquences pour vous que pour nous. »
On pourrait croire que la liberté d’expression, garantie par l’article 16 de la Constitution, devrait aller de soi dans la Suisse de 2011. Pourtant, d’aucuns estiment visiblement que toute personne ou association bénéficiaire d’une aide, en espèce ou en nature, ne devrait pas s’exprimer publiquement sans l’autorisation de ses bienfaiteurs. Comme l’avait dit l’ancien président de Neuchâtel Xamax, Silvio Bernasconi, « que ceux qui n’ont pas d’argent ferment leur gueule ! »