Abrogons cette loi stupide, inefficace et dispendieuse !

loi genevoise anti-mendicité • « Après tant d’imposture et de fraude, il est réconfortant de contempler un mendiant. Lui, du moins, ne ment ni ne se ment : sa doctrine, s’il en a, il l’incarne ; le travail, il ne l’aime pas et il le prouve ; comme il ne désire rien posséder, il cultive son dénuement, condition de sa...

« Après tant d’imposture et de fraude, il est réconfortant de contempler un mendiant. Lui, du moins, ne ment ni ne se ment : sa doctrine, s’il en a, il l’incarne ; le travail, il ne l’aime pas et il le prouve ; comme il ne désire rien posséder, il cultive son dénuement, condition de sa liberté. Sa pensée se résout en son être et son être en sa pensée. Il manque de tout, il est soi, il dure : vivre à même l’éternité c’est vivre au jour le jour. Aussi bien, pour lui, les autres sont-ils enfermés dans l’illusion. »
Cioran, La tentation d’exister

Samedi dernier, devant l’Hôtel de Ville de Genève, j’ai été témoin d’une drôle de scène : un homme demandait l’aumône entouré de deux policiers postés à l’entrée (c’était aussi le vote du budget de la Ville et peut-être étaient-ils là pour filtrer des intermittents-manifestants opposés aux coupes PDC-MCG dans la culture, la coupe Chevrolet, m’a-t-on dit). Malgré le fait qu’un passant leur rappelait que la mendicité était interdite à Genève depuis 2007, les policiers ne lui ont pas collé une amende, tout au plus ont-ils ri jaune. Et pour cause, le mendiant en question était bien de chez nous, il était habillé d’un déguisement inspiré des vêtements utilisés en 1602 et confectionné grâce aux sous qui tombaient dans l’escarcelle rouge et jaune au bout de sa main tendue.

Cette pittoresque scène m’a fait réfléchir sur la mendicité d’une manière plus générale, au-delà de l’épiphénomène anecdotique et stigmatisant de ce type d’activité exercée par les quelques Roms roumains et bulgares qui mendient dans notre ville.

Faire l’aumône est une réalité plus complexe, quotidienne et séculaire que cela n’a pas l’air. Si nous regardons le passé, nous observons que c’est une activité apanage des Eglises et des religions et ordres mendiants (alors que le racket serait le propre des sectes).

Lorsqu’un moine bouddhiste est assis à méditer toute la journée, son obole et sa modeste offrande lui suffisent pour accompagner sa pieuse longévité.

Chez nous, ce sont les associations caritatives et les fondations de lutte contre les maladies qui ont recours à l’aumône, une partie de cet argent ainsi récolté serait utilisée pour remplir leur mission.

La loi genevoise qui interdit la mendicité s’attaque aux plus pauvres et démunis d’entre nous : ceux qui n’ont plus rien et qui sont visibles dans les rues. Pourquoi ce spectacle nous dérange à ce point ? Il est intéressant d’introduire la notion de transaction. Un musicien ou un artiste de rue ne fait pas autre chose que mendier ? Pourtant cela nous dérange moins. Le donneur a l’impression de recevoir quelque chose en échange de son aumône. Donner au bonze son obole, il méditera pour nous. Donner à l’église, notre âme serait sauvée. A la Ligue contre le cancer, on pourra bénéficier éventuellement de ses recherches.

Olivier Jornot devrait s’expliquer

Donner à un Rom ? Quel est le partage ? Quel est l’échange ? Et pourtant il pourrait y en avoir, pour autant que nous soyons curieux. Ils sont porteurs, presque sans le savoir, d’une ancienne culture venue du nord de l’Inde et du Pakistan actuel, aussi bien pour les traits les plus visibles : musique, danse, contes, langue (différente du roumain, le romani provient du sanskrit) que pour leur culture plus profonde : leur conception du monde et de la famille.

Leur coller des amendes est tout de même la bêtise suprême. Cela coûte de l’argent et c’est nous, tous les contribuables qui payons. Mais c’est vrai, cela occupe des fonctionnaires, des policiers, des juges, la poste…

Le Centre d’analyse territoriale des inégalités (CATI) de Genève, vient de publier la carte de la précarité identifiant les inégalités dans le canton. Les communes de Carouge, Chêne-Bourg, Lancy, Meyrin, Onex, Vernier, Versoix et Thônex seraient les plus concernées par la précarité. Et si demain ce sont les habitants de ces communes qui seraient contraints de mendier ?

Peut-être que notre nouveau procureur, M. Jornot, instigateur de cette loi, pourra nous expliquer pourquoi, quatre ans plus tard, nous n’avons pas éradiqué la mendicité de nos rues et à quoi bon tout ce gaspillage de temps, d’énergie, d’argent et de personnel.

Abrogeons cette loi stupide, inefficace et dispendieuse afin que les ressources de l’Etat soient mieux utilisées.


Pétition pour l’abrogation de la Loi sur la mendicité à télécharger sur www.mesemrom.org/petition.pdf