Les habitants de la Cité Carl-Vogt ont déposé un recours au Tribunal administratif.
C’est quasiment tout un quartier qui s’oppose à la surélévation de deux étages des cinq barres d’immeubles de la Cité Carl-Vogt. Ceux-ci pourraient passer de 8 à 10 étages, alors qu’un nouveau parking souterrain de 200 places pourrait voir le jour. C’en est trop pour les habitants, qui ont décidé de lancer un recours devant le Tribunal administratif. « Notre refus n’est pas égoïste, mais il faut une nécessaire équité territoriale pour une meilleure répartition de la charge du logement dans le canton », explique Michel Schweri, président de l’Association d’habitants de la Jonction (AHJ) et membre du Comité Honegger (du nom des cinq barres d’immeubles). Il rappelle que la densité de population est déjà très forte à la Jonction.
«La ville de Genève est la plus dense de Suisse avec 12’000 habitants au km2. On est à 16’000 à la Jonction et 970 nouveaux logements sont prévus dans le quartier, sans qu’on ait des engagements sur la création de nouveaux équipements sociaux », explique le militant. Les cinq barres d’immeubles comptent 450 logements pour environ 1000 habitants. Avec le projet de surélévation, on arriverait à cent logements supplémentaires. Ceux-ci ne seraient pas dévolus à du logement social, mais plutôt à du logement de standing. « Nous avons rencontré deux fois l’Hospice général qui est propriétaire des immeubles. Ses responsables nous ont dit que les loyers par pièce seraient de 7’500 francs par an, soit deux fois plus chers que la moyenne actuelle de la cité Carl-Vogt. Les nouveaux locataires devront gagner autour des 150’000 francs par an », précise encore Michel Schweri. «
Avec la baisse de ses subventions, l’Hospice général qui possède près de 1’400 logements dans 80 bâtiments veut simplement rentabiliser coûte que coûte son patrimoine immobilier, quitte à faire payer les locataires modestes. C’est révoltant », nous explique plus directement un habitant.
Un sondage effectué auprès de la population des barres a montré que 78% d’entre eux sont opposés à la surélévation et 61% sont contre le nouveau parking souligne, de son côté, Joël Lubicz, un des recourants. « Cette surélévation va aussi avoir un impact sur l’habitabilité des logements. Les habitants du bas vont aussi perdre en ensoleillement. Ils ne vont quasiment plus voir le soleil entre l’automne et le printemps », précise-t-il. Les habitants dénoncent aussi la probable augmentation d’un important trafic de pendulaires dans le quartier avec la construction du nouveau parking. « Créer 200 places pour 100 nouveaux logements, cela veut dire que les parkings seront loués à des tiers », suppute une habitante « Ce trafic est inacceptable dans un quartier où il y beaucoup d’écoles. » Une autre se demande si tous les gages en matière de sécurité seront respectés, notamment dans au niveau des fondations des immeubles et de stabilité sismique. « La Commission d’architecture a d’ailleurs demandé que l’on adjoigne des renforts extérieurs en cas de surélévation », indique Joël Lubicz.
Mark Muller dans le collimateur des opposants
Sur quoi se fonde le recours de l’AHJ ? Celui-ci considère que l’autorisation de surélever délivrée par Mark Muller n’est pas légale « La loi stipule que les gabarits ne peuvent pas dépasser les 30 mètres de hauteur. Avec la surélévation, on atteindra les 33,60 mètres », explique Christian Dandres, l’avocat de l’AHJ et député socialiste. « La distance entre les immeubles ne sera pas non plus respectée. Au moment de la construction, les architectes avaient déjà obtenu une dérogation sur ce point », souligne encore l’avocat. Les habitants qui ont réuni 8’000 francs durant l’été pour leur recours espèrent que le Tribunal administratif donnera tort à Mark Muller comme il l’a déjà fait quand il a autorisé Christian Lüscher à surélever au Boulevard des philosophes. Dans le cas contraire, l’Association prévoit déjà une seconde bataille pour s’opposer aux hausses de loyers des locataires. Signe positif pour les locataires : la Ville de Genève s’oppose à cette surélévation et a aussi déposé un recours contre ces travaux.