Une baisse de l’imposition des sociétés se fera finalement au détriment de la démocratie.
A Neuchâtel, on sait faire des cadeaux aux riches. Le 19 juin prochain, les citoyens neuchâtelois voteront sur la baisse du taux d’imposition sur les bénéfices des personnes morales et sur le capital des holdings. Le taux passe de 10% à 5% pour toutes les personnes morales, et de 0,5‰ à 0,005‰ pour les holdings. Ces modifications incroyables du taux d’imposition sont justifiées au nom de l’attractivité pour les entreprises. Belle promesse qui rend les fous joyeux ! La fin officielle de l’exonération des entreprises obligatoire par la suppression de l’arrêté Bonny fait croire que le canton met de l’ordre dans ses affaires, mais il y est contraint par la Berne fédérale. Hélas, l’article 82 de la nouvelle loi maintient le principe de l’exonération, et nous avons appris que le Conseil d’Etat avait accordé des exonérations à plusieurs entreprises après l’adoption de la loi, le 1er septembre 2010.
Nous continuons ainsi le même cirque qu’auparavant. Les entreprises qui sont exonérées bénéficient comme toutes les autres des infrastructures du canton : écoles, université, santé, routes, administration, etc., que chaque citoyen a payé et paie par ses impôts.
Le seul recours à la précarité
Je ne comprends pas qu’on puisse créer autant d’inégalités devant l’impôt tant nécessaire à l’esprit républicain et à la nécessité de la démocratie. Qu’est-ce qu’une démocratie où les uns sont soumis normalement aux lois fiscales et les autres exonérés ? Qu’est-ce qu’une démocratie où l’on instaure un taux fixe (flat tax) pour l’imposition et non plus un taux selon la capacité contributive, impôt progressif ? La gauche peut-elle accepter aujourd’hui cette tendance néo-libérale alors qu’elle a lutté pour une justice fiscale ici chez nous et dans le monde depuis toujours ? Les radicaux neuchâtelois des années 1860 ont lutté à l’époque pour un impôt progressif et ont réussi à le mettre en place petit à petit. Aujourd’hui, on sait comment ils ont évolué, il ne faudrait pas que les citoyens de gauche épris de justice fiscale perdent leur orientation politique en matière fiscale au détriment de toutes les prestations sociales, scolaires, de formation professionnelle, pour la santé si urgentes aujourd’hui.
Notre société fabrique la précarité. Le seul recours possible pour une meilleure répartition des richesses, c’est l’impôt pour tous selon les capacités contributives de chacun. Les personnes morales ne doivent pas échapper à ce principe fondateur d’une vraie démocratie.
Le non à cette loi fiscale injuste, soumise au vote le 19 juin, doit mobiliser beaucoup plus la gauche combative.
André Babey