L’enseignant Valentin Abgottspon a été licencié pour avoir retiré un crucifix de sa classe.
Son téléphone n’arrête pas de sonner depuis une semaine, venant de toute la presse nationale, « même de la NZZ ». Il faut dire que le geste de Valentin Abgottspon n’est pas passé inaperçu. L’enseignant a décidé il y a un an de retirer le crucifix qui ornait sa classe à Stalden dans le Haut-Valais, voulant montrer son désaccord avec la mainmise de l’église catholique sur l’enseignement en Valais. « Mon action n’a posé aucun problème pour mes collègues ou la direction, les choses se sont envenimées lorsque je suis devenu président de la section valaisanne des libres-penseurs suisses et que j’ai décidé de parler dans les médias, en étant franc et ouvert par rapport à mes convictions de libre-penseur et d’agnostique », rappelle le professeur. Réaction immédiate des autorités qui ont décidé de le mettre au pilori, en le licenciant.
Pour l’heure, Valentin Abgottspon a déposé un recours auprès de Jean-Michel Cinna (PDC) et président du Conseil d’Etat. « J’espère qu’il y aura un effet suspensif, sinon je vais me retrouver au chômage », souligne-t-il. Episode clochermerlesque ou début d’une véritable bataille politique, toujours est-il que la provocation suscite le débat en Valais. Le parti socialiste du Haut-Valais s’est fendu d’un communiqué pour rappeler que le Tribunal fédéral a pris position il y a 20 ans pour rappeler que les écoles obligatoires suisses ne sont pas des écoles religieuses et que la religion doit être limitée à l’éthique ou à l’instruction religieuse. « On ne peut pas prononcer des interdictions professionnelles anticonstitutionnelles au nom de Jésus », souligne Doris Schmidhalter-Näfen, coprésidente de la section. Dans cette affaire, on attend aussi le verdict thaumaturgique de Peter Bodenmann, ancien président du PSS et sage de Brigue, dans les colonnes du Nouvelliste. Valentin Abgottsporn, lui, s’avoue « déçu » par les prises de position des radicaux, notamment celles de Pascal Couchepin et de Claude Roch, conseiller d’Etat en charge de l’instruction politique, qui ont suivi comme des béni-oui-oui les préceptes du PDC.
Changer la constitution
« Le problème, c’est que la Constitution cantonale stipule que le Valais est un canton à majorité catholique et que la Loi sur l’éducation mentionne que l’école doit prépare les jeunes à être des citoyens et des chrétiens. Tant qu’on n’aura pas modifié la constitution, la laïcité ne fera pas de progrès », estime Jean-Marie Meilland, membre de La Gauche – Valais romand et lui aussi enseignant. « Les socialistes ont essayé plusieurs fois de le faire, mais cela a toujours été repoussé par le PDC », explique le militant de Martigny. « Reste que l’immixtion de l’église catholique dans l’éducation est inadmissible, même s’il y a eu des progrès depuis 50 ans », précise le professeur de philosophie.
« Parler des privilèges de l’église catholique est un euphémisme », souligne Valentin Abgottspon. « Je n’ai pourtant aucune intention de quitter le canton. Valaisan et laïque, je veux rester ici pour changer les choses », assure celui qui se voit certains jours comme un Winkelried aux pays des croix et des clochers.