Les Jurassiens et les Jurassiennes aux urnes

Le 24 octobre se dérouleront les élections cantonales. A côté des élections législatives pour le Parlement, 13 candidats se présentent au Gouvernement pour cinq places. Petite revue des effectifs et des enjeux électoraux.

Le 24 octobre se dérouleront les élections cantonales. A côté des élections législatives pour le Parlement, 13 candidats se présentent au Gouvernement pour cinq places. Petite revue des effectifs et des enjeux électoraux.

Le Gouvernement jurassien est actuellement composé de deux démocrates-chrétiens, d’un chrétien-social (PCSI), d’un libéral-radical (PLR) et d’une socialiste. Comme du temps de la « formule magique » au Conseil fédéral, on a la même répartition que celle que donnerait une élection à la proportionnelle. Mais cela n’a pas toujours été le cas et pourrait changer.

13 candidats se présentent : cinq PDC, deux PS, et un pour chacun des autres partis (PCSI, PLR, Vert, CS-POP, UDC), ainsi qu’un « indépendant » de droite.
Si la réélection de la ministre socialiste Elisabeth Baume Schneider en charge de la formation, de la culture et des sports et des deux ministres PDC, malgré les « affaires », semblent assurées, et celle du PCSI Laurent Schaffter, très probable, le ministre PLR Michel Probst semble le plus menacé. Présenté il y a quatre ans par les médias comme l’homme du renouveau et un grand rassembleur, il a fait l’objet de critiques concernant ses compétences, notamment de la part de certains journalistes qui avaient auparavant quasiment fait campagne pour lui. Mais il a conservé le soutien de son parti dont il est l’unique candidat.

L’UDC présente le conseiller national Dominique Baettig. En 2006, le candidat de l’UDC Philippe Rottet obtenait 9,5% des suffrages. Mais l’UDC atteignait 13,7 % des voix lors de l’élection du Conseil national. Dominique Baettig devrait donc améliorer le score d’il y a quatre ans, mais le concours de circonstances et le jeu des apparentements qui avaient permis son élection au Conseil national ne peuvent pas se reproduire dans ce type d’élection. Il n’a donc pratiquement aucune chance d’être élu.

Le Parti socialiste, qui a perdu un siège il y a quatre ans, tente de le reconquérir en présentant le président du parti et député Michel Thentz, ingénieur horticole. Le PS a fait le choix d’un seul candidat aux côtés de la ministre sortante, après la mauvaise expérience de 2006, où les trois colistiers d’Elisabeth Baume avaient obtenu des résultats décevants (16 à 19%), au point de ne pas vouloir se présenter au second tour, ce qui avait quasiment « obligé » CS-POP à maintenir son candidat, Pierluigi Fedele (17%), pour ne pas laisser perdre un siège de gauche sans combattre. Cette fois, le PS espère que son challenger fera le plein des voix socialistes et un peu plus pour dépasser au moins un ministre sortant.

Les Verts présentent Hubert Godat, enseignant et député. C’est un homme de gauche, mais ce n’est pas le cas de tous les membres de son parti. Le refus des Verts de s’engager avant les élections à poursuivre l’alliance parlementaire avec CS-POP (notre édition du 18 juin) lui coûtera certainement des suffrages à gauche. Les rattrapera-t-il au centre ?

CS-POP présente Christophe Schaffter Macquat, avocat et enseignant, député, militant de Combat socialiste. Il devrait réaliser un excellent résultat. Il lui sera cependant difficile de dépasser les candidats des quatre principaux partis. Mais en 1993, qui avait prévu que la candidate de Combat socialiste Odile Montavon, battrait les candidats du PS et du PLR ? Donc tout reste possible.
Le bulletin de vote comptant cinq lignes, les électeurs de gauche ont la possibilité de voter pour tous les candidats de gauche.

Jean-Pierre Kohler

L’avocat des plus faibles

Dans la course au Gouvernement, la gauche de la gauche, soit le groupe Combat socialiste-POP, a désigné Christophe Schaffter comme prétendant. Agé de 44 ans, député depuis 2007, avocat et enseignant, l’élu de CS-POP a été en pointe dans l’affaire du « pornogate », épisode révélant que des magistrats surfaient sur des sites érotiques durant leurs heures de travail. Il a dénoncé la surveillance des magistrats par l’administration, soit une violation de la séparation des pouvoirs. Il avait aussi déposé une motion pour que les plaintes contre les policiers soient gérées par une autre instance que la police. Proposition novatrice, mais refusée par le Parlement. Il s’est aussi beaucoup engagé sur les questions du respect du droit des migrants. Interview.

Quelles sont vos motivations dans cette élection ? Et vos axes de campagnes ?
Christophe Schaffter Mon premier objectif en participant à cette campagne est de donner une visibilité aux idées de la gauche de la gauche que nous défendons au parlement, d’être aussi un aiguillon du PS. Parmi les axes de campagne, ma priorité reste celle de défendre les plus fragilisés dans notre société et les salariés. Dans le canton du Jura, les salaires sont bas. Il faut donc favoriser des mesures comme la fixation d’un salaire minimum ou le renforcement des conventions collectives. J’aimerais aussi renforcer la collaboration avec l’extérieur en matière de prestations scolaires, d’offres touristiques, de développement économique, notamment avec Bâle, ou de couverture hospitalière. Dans le canton, nous dénombrons, sur l’ensemble des 6 districts du Jura historique, cinq hôpitaux pour 130’000 habitants. Si on veut les garder, il faut intensifier les collaborations avec nos voisins. Nous devons aussi défendre un Jura ouvert qui puisse, par exemple, utiliser un droit d’asile cantonal. Le Jura a su se montrer ferme contre l’avis de Berne, pour accueillir deux réfugiés Ouïgours, anciens prisonniers de Guantanamo.

Le canton du Jura vient de lancer une amnistie fiscale, alors que le taux d’imposition reste fort. Quelles sont propositions en matière fiscale ?
Je me suis opposé comme tout le groupe CS-POP du parlement contre cette amnistie qui blanchit les fraudeurs du fisc. Je me positionne aussi contre des nouveaux cadeaux fiscaux aux riches ou la sous-enchère fiscale entre les cantons. Il faut renforcer une fiscalité progressive et lutter contre la fraude fiscale.

Le Jura a été marqué par des affaires, impliquant aussi bien les services de la justice (pornogate) que ceux de la police, conduisant à la suspension récente de son chef, Henri-Joseph Theubet. Comment réorganiser l’administration ?
Ces sales histoires ont fait l’objet d’un audit qui a puni les coupables, montrant que les fautifs étaient une minorité. Reste que le PDC a refusé toute commission d’enquête comme nous l’avions demandé, alors que ce parti était impliqué dans ces affaires. Nous devons à l’avenir refuser que nos institutions servent à protéger les intrigants ou les passe-droits et défendre un service public qui soit au service de la population.
Regrouper rapidement les six districts du Jura

Les Verts ont décidé de partir seuls dans la campagne au parlement. Comment vous positionnez-vous sur les questions d’environnement ?
Le Jura reste un canton vert. Je défends aussi bien une agriculture de proximité, offrant des vrais moyens de subsistance aux paysans et aux ouvriers agricoles, que le principe de souveraineté alimentaire. En matière d’énergie, je ne suis pas contre la création de parcs éoliens dans notre canton, à condition qu’ils restent en mains publiques, mais je suis résolument opposé à toute construction d’usine de raffinage de bioéthanol, car cela n’est pas v écologiquement.

Comment vous positionnez-vous dans la question jurassienne ?
L’assemblée interjurasienne, qui a travaillé durant dix ans, a été claire dans ses conclusions. Elle prévoit la création d’un seul canton, regroupant les trois districts du nord et ceux du Sud. Je demande donc que soit mise en place une assemblée constituante pour concrétiser ce projet et qu’il soit soumis au vote en 2015. Si le Sud n’en veut pas, il faudra permettre aux villes comme Moutier de nous rejoindre, en adoptant des solutions communalistes.

En 2006, le candidat CS-POP, Pierluigi Fedele, faisait 17% au premier tour ? Escomptez -vous faire mieux ?
Si je fais aussi bien que lui, ce sera merveilleux. Mais je ne m’engage pas sur mon score. Je suis un très mauvais pronostiqueur.

Propos recueillis par Joël Depommier