Du fait d’une particularité jurassienne (et aussi vaudoise avec quelques nuances), le peuple doit donner son avis lors de consultations des cantons par le Conseil fédéral concernant des installations atomiques, si elles sont situées à moins de 50 km de la frontière cantonale.
En l’occurrence, deux des six sites concernés sont situés à un peu moins de 50 km. Pour l’un, Pied sud du Jura (AG, SO), le Conseil fédéral propose d’abandonner l’étude en vue d’un dépôt de déchets en couches géologiques profondes. Toutes les prises de position dans le Jura y étaient favorables et le peuple a voté dans le même sens avec 73 % de oui.
Campagne quasi inexistante
Pour l’autre site, Jura-est (AG), le Conseil fédéral propose de continuer l’étude. A part les Verts, partagés, et CS-POP, qui n’a pas non plus donné de mot d’ordre, tous les partis jurassiens recommandaient le oui, y compris le PS et le PCSI, qui avaient toujours soutenu les initiatives antinucléaires. Mais, selon eux, comme les déchets sont là, il faut bien qu’on cherche des solutions. La seule opposition est venue de l’«Alliance jurassienne non au nucléaire», qui estime que d’autres solutions doivent être étudiées, par exemple ne pas enfouir les déchets afin de les surveiller et plus tard tirer profit de nouvelles connaissances. Il semblait donc que l’on s’acheminait vers une acceptation assez nette. Mais 53,7 % des votants ont dit non.
Comment expliquer un tel décalage entre partis et population? Il s’agissait d’un vote consultatif concernant une réponse cantonale parmi 26. L’importance de l’enjeu n’était donc pas évidente. Les partis n’ont guère communiqué concernant cet objet. Jamais un scrutin cantonal n’avait été précédé d’une campagne aussi discrète. C’est probablement en ouvrant leur enveloppe de vote que la plupart des Jurassiens ont appris qu’il y avait aussi un vote cantonal ce 4 mars. Le réflexe antinucléaire a ensuite fonctionné. Mais le résultat aurait-il été identique si le site avait été appelé «Argovie-nord» (ce qui aurait été plus précis) et non «Jura-est»? Sur le bulletin de vote, aucune autre précision géographique ne figurait et tout le monde ne lit pas la brochure explicative.
Toujours est-il que le résultat est là et il n’y a pas lieu de le regretter. Sa portée risque toutefois d’être limitée. La consultation portait sur six sites. Pour les quatre qui ne concernaient pas le vote populaire, c’est le Gouvernement qui répondra. Dans un communiqué, il regrette le résultat du scrutin et dit faire confiance au Conseil fédéral. Bien sûr, «les réponses données par le peuple seront intégrées à la réponse complète du Gouvernement», mais on peut supposer qu’il ne mettra pas un grand zèle à défendre cette position.