Neuf mois après le refus en votation populaire municipale du projet «Clé-de-Rive» et de son parking, l’initiative populaire municipale pour piétonniser et végétaliser le centre-ville, lancée en 2020 comme une sorte de contre-projet à «Clé-de-Rive», a été acceptée par le Conseil municipal de la Ville de Genève, seuls le PLR et le MCG s’y opposant. Le Conseil administratif va donc soumettre au Conseil municipal une mise en œuvre détaillée de l’initiative. Dans les faits, le Conseil administratif a déjà commencé à préparer un projet, en demandant même à l’architecte du projet Clé-de-Rive de le retravailler, avec une piétonnisation de Rive et de la rue Pierre-Fatio, puis, dans une deuxième étape, de la rue de la Rôtisserie, et, dans une troisième étape, des Rues Basses, y compris (hosanna!) la rue du Rhône… Les travaux pourraient commencer à Rive en 2023, avec une enveloppe budgétaire déjà votée (pour Clé-de-Rive, mais utilisable pour le nouveau projet) de 34 millions. Un crédit supplémentaire de 2,7 millions, proposé par la gauche et le PDC, devra permettre de lancer les études d’aménagement sur le reste du périmètre à piétonniser.
Libérer l’espace urbain
Si tout se passe comme prévu, on devrait donc bientôt commencer à rendre le rond-point de Rive et la rue Pierre-Fatio aux piétons, à y installer le marché, à y agrandir les terrasses. Puis, à doter enfin Genève d’un centre-ville piétonnisé. Il resterait accessible aux transports publics, aux commerçants, aux livreurs et aux habitants ayant une place de parking privée, mais impliquerait la suppression de 125 places de parking en surface. Et alors? Il y a dans les parkings de la ville plus de 18’000 places disponibles. Auxquelles s’ajoutent des milliers de places privées… Pour autant, sans doute faut-il se préparer à entendre dans les mois à venir, à intervalles réguliers plutôt qu’en continu, au Conseil municipal et ailleurs, les hurlements de douleur des fétichistes de la bagnole et des parkings, clamant que le développement des zones piétonnes, des pistes cyclables, des transports publics, attente au principe du «libre choix» du mode de déplacement. Certes, pouvoir se déplacer est un besoin et un droit, mais ce droit n’implique aucun droit à un mode de déplacement particulier, ni à une modalité spécifique de la mobilité, ni le droit de parasiter l’espace public pour y poser une bagnole inutilisée. Le droit de se déplacer n’implique pas la liberté de le faire en hélicoptère ou en char à bœuf, ou à vélo sur une autoroute ou en voiture dans une zone piétonne. Il n’implique pas non plus le droit de se déplacer en voiture au centre-ville, ni de la couvrir de voies de circulation automobile, ni de la percer de parkings.
On va bien devoir changer de modes de déplacement, particulièrement en zone urbaine. Le fera-t-on en l’ayant choisi ou en y ayant été contraint? En le subissant ou en le planifiant? L’urgence climatique va imposer une réduction considérable de la fameuse «liberté de choix du mode de déplacement» – et une réduction de nos déplacements mêmes. Et tous les secteurs vont devoir s’adapter: l’aviation, bien sûr, mais l’automobile aussi, même à propulsion électrique. Et si l’urgence climatique n’y poussait pas suffisamment, la libération de l’espace urbain squatté, en voies de circulation (ou en embouteillages), en places de stationnement et en parkings devrait s’imposer comme revendication première.