Ce projet, soutenu par le gouvernement néolibéral d’Aleksandar Vučić, doit permettre à la multinationale Rio Tinto d’exploiter le lithium présent près de la rivière Jadar. A hauteur d’un investissement de 2,4 milliards d’euros, le géant minier ambitionne de devenir le leader de la distribution de lithium en Europe, une position très intéressante alors que le marché des voitures électriques, dont les batteries nécessitent du lithium, est en pleine expansion.
Préoccupations environnementales
Les populations locales craignent pour les rivières Drina et Jadar, à côté desquelles plus de 57 millions de tonnes de déchets seront entreposées, et par lesquelles les eaux usées seront évacuées. La crainte des habitant.es est également fondée sur le CV bien garni de la multinationale, active dans l’extraction de minerais. En effet, ses mines d’or en Papouasie-Nouvelle-Guinée ont contribué au déclenchement d’une guerre civile, et en Australie, elle a réduit en poussière un site aborigène vieux de 46’000 ans pour extraire du fer.
Initiatives citoyennes
Une pétition intitulée «Dehors Rio Tinto» a été signée par 130’000 personnes en 2021, et les habitant.es se sont mobilisé.es tout au long de l’année contre ce projet écocide. Dans ce pays où ce sont les normes sanitaires qui s’adaptent au niveau de pollution, et non le contraire, les manifestations pour un environnement plus vivable connaissent en général de fortes mobilisations.
En effet, la confiance dans les partis politiques est très faible. Ce qui implique que l’activité politique des Serbes s’organise en grande partie autour «d’initiatives citoyennes». Ainsi de nombreux collectifs et ONG pour la défense de l’environnement, qui ont lancé l’appel à descendre dans la rue samedi. La Serbie offre des conditions d’exercice idylliques à de telles organisations: l’air est considéré, sur l’ensemble du territoire, comme «nocif» selon les critères de l’OMS, et la capitale figure régulièrement dans le top 10 des villes les plus polluées au monde. Si les contestations de samedi dernier ont été parmi les plus importantes ces dernières années et qu’elles ont fait l’objet d’une forte répression policière envers les manifestant.es, c’est qu’elles sont une réaction populaire à la modification de la loi sur les référendums, et à l’adoption de la loi sur les expropriations. Cette dernière permet une procédure d’urgence pour exproprier le.la propriétaire sous 30 jours.
Mécontentement généralisé
Les opposant.es au projet accusent les autorités législatives de s’arranger des moyens légaux, en dépit de la démocratie, pour faciliter sa concrétisation, et de vouloir attirer les multinationales sur les terres serbes, tandis que ces multinationales le présentent comme une opportunité économique à ne pas manquer. Aucune activité à forte valeur ajoutée (comme la confection des batteries) n’est toutefois prévue en Serbie.
Le mécontentement suscité par la crise économique, la corruption et la mise aux enchères du pays et de ses travailleur.euses se cristallise aujourd’hui dans la lutte pour un air respirable et des terres saines. Celle-ci pourrait constituer une opportunité pour les collectifs citoyens d’amener un projet politique populaire, afin de canaliser le mécontentement et les revendications en force motrice d’un changement social. Sans quoi, il y a fort à parier que les mobilisations ne restent au stade contestataire.