Ce concept de carte d’identité émise par des autorités locales et accessible à toute personne habitant la ville, importé des Etats-Unis, vise à permettre l’accès à toute une gamme de services pour lesquels une pièce d’identité est nécessaire. Il vise tout particulièrement les personnes sans titre de séjour, qui, bien qu’en nombre important en Suisse, se voient privées d’accès à certains lieux ou certains droits. Par exemple, celui d’ouvrir un compte en banque, de souscrire à un abonnement à la bibliothèque ou d’accéder aux installations sportives.
Précédents suisses
Trois exemples suisses confortent le collectif dans la possibilité de réaliser ce projet à Lausanne. Zürich a été la première ville à en approuver le principe en 2018, avec une mise en pratique probable dès 2024. En février 2021, une motion allant dans ce sens a été acceptée par le Conseil général de La Chaux-de-Fonds. Selon Julien Gressot, conseiller général POP, qui a déposé la motion, cette carte se conçoit également comme un outil d’intégration qui renforce l’appartenance à la collectivité. A Fribourg, un postulat similaire avait été déposé en 2019.
Si les arguments des opposants à de tels projets font notamment état du risque de donner de faux espoirs aux sans-papiers à travers la distribution d’une «pièce d’identité illégale», et de leur possible stigmatisation si la City Card n’est délivrée qu’à ces derniers, les auteurs de l’appel soulignent que le projet bénéficiera à l’ensemble de la population. Selon eux, il renforce également la sécurité, grâce à l’appel facilité à la police et aux pompiers, ainsi que la santé publique, notamment via l’accès aux soins et à la prévention pour tous. Actuellement, cette question est déjà entre les mains de la Municipalité de Lausanne suite au postulat de Laura Manzoni, conseillère communale POP, appuyé notamment par les groupes vert et socialiste, qui a été déposé en octobre 2021.
Clivage géographique
Si un tel concept est né aux Etats-Unis, ce n’est pas par hasard. Dans un contexte de renforcement général du camp conservateur à l’échelle du pays dans le sillage de la victoire de Donald Trump, les villes, plus riches, libérales et dirigées par des Démocrates, ont tenté de développer des politiques autonomes. Renforçant ainsi de fait le fossé entre villes et campagnes. Un tel schéma se retrouve en Europe, avec le développement du réseau de «Villes refuge», qui tente de résister au durcissement récent des conditions d’octroi de l’asile, notamment en Suisse.
Ce clivage géographique ville-campagne au niveau des politiques publiques coïncide avec un creusement du clivage électoral. Cas typique, le Parti socialiste a vu sa représentation diminuer dans la plupart des communes vaudoises et se renforcer dans les centres urbains ces trente dernières années. Pour les défenseurs d’un droit d’asile élargi, le risque de s’isoler dans ses bastions face aux défaites sur le plan fédéral est fort. Conscients de cette problématique, les auteurs de l’appel vaudois signalent leur volonté que de tels projets soient étudiés dans des villes plus petites telles qu’Aigle, Morges ou Yverdon.