Le PCF veut renouer avec les classes populaires

France • Le Parti communiste présentera Fabien Roussel, député du Nord, aux élections présidentielles de 2022. Entretien avec José Cordon, membre de la commission des relations internationales du PCF, de passage en Suisse. (Par Paris Kyritsis)

Le PCF veut reconquérir l’électorat populaire. (Zouhair Nakara)

Le PCF se lance dans la campagne présidentielle avec comme candidat Fabien Roussel, sous ses propres couleurs pour la première fois depuis de longues années. Quelle est la dynamique qui a poussé les militants à faire ce choix?

José Cordon Cela fait un an que le parti a pris cette décision démocratiquement par un vote majoritaire de son conseil national, confirmé ensuite par un vote des militants. Cette candidature a été largement validée au sein du parti, ce qui est le premier élément favorisant notre dynamique dans une situation politique difficile pour l’ensemble de la gauche, face à une droite et une extrême droite radicalisées dans le pays. L’élément de l’unité du parti est très important pour cette campagne avec, nous l’espérons, un bon résultat pour le PCF.

Dans ce contexte difficile que connaît la France, quels seront trois grands thèmes portés par Fabien Roussel durant la campagne?

Nos thèmes seront tant portés par Fabien Roussel que par l’ensemble du parti et ses militants car il n’y a pas que l’élection présidentielle qui nous attend, mais également les législatives dans la foulée. Le plus important sera celui de la protection sociale et les hausses de salaires, c’est un thème d’autant plus essentiel qu’il y a eu des atteintes contre les droits des travailleurs ces dernières années comme, par exemple, avec le projet de réforme du gouvernement Marcon qui remet en cause de la retraite par répartition.
Le deuxième thème important sera celui de la reconstruction industrielle de la France. Une des grosses batailles sera du côté de l’énergie. Nous voulons maintenir la production d’énergie nucléaire mais en la rééquilibrant avec d’autres sources d’énergie, toujours sur la base d’un service public renforcé. Un troisième front de lutte important sera celui de la jeunesse, il est important qu’il y ait une participation conséquente de la jeunesse dans cette élection. Aujourd’hui, celle.ci est fortement mobilisée sur certains sujets importants comme le climat, mais en même temps elle ne vote pas ou très peu lors des élections. Nous voulons contribuer à sa mobilisation.

Au-delà de cette campagne, quel est le projet du PCF pour la France?

La France doit absolument changer de politique dans tous les domaines. Il y a une nécessité à reconstruire notre pays sur la base de l’appropriation par le peuple des principaux moyens de développement économique. La France a connu des grandes périodes d’essor économique avec des nationalisations, aujourd’hui il y a besoin de reconquérir, dans des secteurs importants de la production, une souveraineté pour le pays. Et cet objectif est lié à la question européenne.

Le peuple suisse a rejeté l’adhésion à l’UE en 1992 et les Français le projet de constitution européenne en 2005, imposé quand même sans vote par la suite. Comment se positionne le PCF face à une UE de plus en plus libérale?

Nous avons été le seul parti en France, je dis bien le seul, à nous opposer depuis le début à la construction européenne telle qu’elle s’est déroulée depuis des décennies. Nous sommes le seul parti de gauche à avoir voté contre le traité de Maastricht en 1992. Notre projet en France est indissociable d’une réorientation extrêmement profonde de l’Union européenne.
Cela implique une rupture avec les traités actuels selon deux axes: contre les projets de libre concurrence non faussée qui ont développé des directives très néfastes pour les travailleurs et contre tout ce qui concerne les politiques d’austérité inscrites dans le marbre de ces traités. Finalement, nous devons sortir du cadre de l’OTAN et ses politiques agressives et de militarisation.

Quels sont les combats que l’on peut mener de part et d’autre de nos frontières, en Suisse et en France?

Cela n’aurait aucun sens pour la Suisse d’adhérer à une UE libérale qui mène des politiques d’austérité. Mais l’on peut lutter en commun pour les droits des travailleurs, contre les dumpings sociaux et fiscaux, l’évasion fiscale notamment. Il faut que les grandes fortunes et les trusts multinationaux contribuent à l’impôt, et cette lutte doit être menée au niveau international. Un autre exemple important est celui de la lutte commune contre la militarisation de Frontex, l’agence de surveillance des frontières extérieures européennes, pour laquelle un référendum a lieu en Suisse actuellement.

Le chantier du siècle

Dans une France où l’extrême droite se sent pousser des ailes, le PCF a choisi le lancer le chantier du siècle, celui de la reconquête des classes populaires. En 2017, le Front national avait acquis le vote de 37% des ouvriers, classe parmi laquelle le PCF avait été hégémonique durant plus d’un demi-siècle.

D’après un rapport de la Fondation Jean-Jaurès paru en août 2021, si les valeurs de solidarité, de service public et d’égalité sont essentielles pour environ trois quarts des Français, seul 20% de la population s’identifie encore à «la gauche». Un «problème d’incarnation», selon certains sociologues, que le PCF a choisi de prendre à bras-le-corps en présentant un candidat issu des régions du Nord désindustrialisé. Avec un discours populaire qui replace le débat du côté du pouvoir d’achat et de la reprise en main par l’Etat de l’appareil productif.