Le photographe Jean-Marc Yersin a longtemps travaillé au musée. Puis il est revenu à ses premières amours: la photographie. Il présente une intéressante exposition consacrée aux «vestiges industriels», c’est-à-dire à des entreprises abandonnées, rouillées ou dont il reste des gravats, mais aussi à des ouvrages d’art (viaducs autoroutiers, ponts ferroviaires, pipelines, etc.) encore en activité, qui seront des «vestiges» dans les temps futurs. Rappelons que le terme vient du latin vestigium, qui signifie «trace de pas». En effet, depuis quatre siècles, les humains ont imprimé leurs besoins sur la nature. Ces usines, édifices de béton ou raffineries témoignent, selon le photographe, de «la brutalité de nos relations avec notre environnement». L’exposition montre donc la tension conflictuelle entre le bâti et la nature.
Pour témoigner de cela, Jean-Marc Yersin a eu recours à des tirages en noir-blanc de format carré, très sobres, presque abstraits et proches du Purisme cher à Le Corbusier. C’est notamment le cas dans ses photographies de barrages en béton. On verra aussi la raffinerie Tamoil désaffectée, véritable ville de métal à l’abandon, ou encore un moulin dont il ne reste que ruines. Parfois l’humain reprend ses droits sur le bâti, notamment sous forme de graffitis sur les piliers des ouvrages autoroutiers. Les photos, esthétiquement très belles, nous invitent donc à une réflexion sur notre temps.
Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, c’est l’occasion de visiter la très riche collection permanente du Musée. Celle-ci comprend un grand nombre d’appareils, dont certains anciens et très rares, des photographies, affiches, ou encore des éléments de décor de salon bourgeois pour portraits au 19e siècle. Ceux-ci nécessitaient un long temps de pose, et donc des appuie-tête pour éviter tout mouvement!
Les trois étages du musée permettent de suivre les débuts et le développement de la photographie, à l’aide de textes explicatifs courts et clairs. Rappelons-en brièvement quelques étapes importantes. Nicéphore Niepce invente la photographie au début du 19e siècle. En 1839, Daguerre découvre le procédé du… daguerréotype. Les appareils sont au début lourds et encombrants. Ils vont évoluer vers de plus en plus de légèreté et de maniabilité. Vers 1860 naît la photographie judiciaire, qui permet de diffuser les portraits de criminels recherchés. Quant à la photographie microscopique, elle concourra au développement des sciences. Les frères Lumière sont surtout connus pour leur invention du cinématographe, mais ils ont aussi participé aux progrès de la prise de vue photographique. Nouvelle révolution, en 1888, avec le Kodak, simple à utiliser. Son slogan est «You press the button, we do the rest». L’exposition permet aussi de voir des micro-appareils pour espions, camouflés dans des paquets de cigarettes ou des montres (comme dans une image célèbre d’un Tintin). Quant au Leica, très maniable, il sera très utile aux photojournalistes de guerre. Puis, dès les années 1950, triomphent sur le marché les appareils japonais. Signalons aussi le prodigieux succès de l’Instamatic, créé en 1963. Mais c’est bientôt le début de l’ère du numérique, aujourd’hui accessible à tous, et la fin de la grande épopée de la photographie argentique, sinon chez quelques professionnels. L’exposition permanente permet donc de parcourir tout ce chemin.
«Jean-Marc Yersin. Vestiges», Musée suisse de l’appareil photographique, Grande Place 99, Vevey, mardi-dimanche 11h-17h30, jusqu’au 2 janvier 2022.