Une lutte d’hier et d’aujourd’hui

Histoire • Une conférence à l’Unige revient sur l’histoire du mouvement pour l’indépendance de la Catalogne.

Lorsque l’on s’informe au travers de la plupart des médias et que l’on connaît mal l’indépendantisme catalan, on l’associe souvent à la figure du libéral Carles Puigdemont, actuellement eurodéputé et anciennement président de la généralité de Catalogne. Il fut destitué par Madrid après le référendum du 1er octobre 2017 sur l’indépendance de la région. Et poursuivit depuis par la justice espagnole pour «sédition» et «détournement de fonds publics». Derrière ce visage, on trouve pourtant un mouvement pluriel politiquement dont on peut faire remonter les origines à la résistance face au franquisme du siècle passé.

Mise en perspective

Raconter son histoire était l’un des objectifs, ce lundi, d’une conférence intitulée «La gauche indépendantiste Catalane – Histoire et perspectives». Elle était organisée par L’Atelier Histoire en mouvement, qui contribue depuis 2014 à «diffuser et faire un travail sur la mémoire des luttes, contre l’historiographie dominante», et la Conférence universitaire des associations étudiantes (CUAE), faîtière des associations estudiantines de l’Université de Genève. Pour ce faire, ils avaient convié David Fernandez, journaliste et militant du parti indépendantiste de gauche, la Candidature d’Unité Populaire (CUP) et Jordi Cuixart, président de l’association culturelle catalane Omnium cultural et ancien prisonnier politique, en raison de son rôle de l’organisation du référendum de 2017, ainsi qu’Ana Gabriel militante de la gauche indépendantiste.

Retour à 1936

L’histoire de la gauche indépendantiste débute dans les horreurs du franquisme naissant en 1936. La dictature met alors en place «l’élimination des ennemis intérieurs, de Catalogne, d’Andalousie et d’ailleurs». Cette persécution conduira un million de personnes à l’exil et de nombreux.euses militants.es communistes et anarchistes dans les camps.

De la résistance socialiste au fascisme, émergera au cours des années 60 un mouvement véritablement indépendantiste en Catalogne. Ceci dans un contexte de luttes de libération nationales internationalistes et anti-impérialistes – en Irlande, au Pays Basque, ou encore en Sardaigne. Ce mouvement veut l’instauration du socialisme, l’indépendance de la Catalogne et l’unité des pays catalans.

Les années 80 et 90

Au début des années 80, dans une Espagne qui tente de se «défaire» du franquisme, mais où l’«on a transféré les membres de la police de la dictature vers la “démocratie”», selon M. Fernandez, une nouvelle constitution est adoptée, qui interdit la fédération de régions autonomes.

Ravivé dans les dans les années 90 par les mouvements sociaux altermondialistes, l’indépendantisme catalan de gauche se dote alors d’un parti, la CUP. «Il s’agissait d’appliquer un principe de municipalisme de la base pour faire émerger le pouvoir d’en bas. Il se donnait pour perspective l’anarchisme catalan, l’idée d’une auto-organisation, d’une autogestion», explique M. Fernandez. Après deux décennies de «travail de terrain», la CUP finit par rentrer au parlement en 2012 avec 3 députés dont M. Fernandez en tête de liste. Et le parti compte aujourd’hui 335 conseiller.ères municipaux.ales en Catalogne.

Recul de libertés

«Le référendum d’octobre 2017 doit beaucoup à toutes ces luttes passées pour l’autodétermination et les conditions de vie», estime M. Cuixart. Les militant.es qui les portent encore sont confrontés à la répression. «Il y a un important recul des libertés. Les récents mouvements sociaux comme celui dans les rues de Barcelone en soutien aux prisonniers politiques, ont conduit à des dizaines de milliers d’amendes et fait plus de 1000 blessés! On n’avait pas anticipé un tel degré de violence policière à l’époque», lance celui qui a connu les geôles à cause de son engagement non-violent. «L’emprisonnement m’a donné conscience de l’ampleur de notre mouvement. Seuls ceux qui sont majoritaires y conduisent, on n’enferme pas de petits mouvements folkloriques», relativise-t-il.

Soucieuse de ces combats d’hier et d’aujourd’hui pour l’autodétermination des peuples, et dans une perspective internationaliste, Mme Gabriel conclut en revenant sur le cas du référendum grec contre les mesures antisociales de la Troïka. «A l’époque nous n’avons pas assez fait attention car le Grèce, c’est loin. Nous aurions dû. Il faut bien que quelqu’un tienne la barricade. Nous serons peut-être les prochains».