Mardi, Alain Berset était interviewé au 19h30 de la RTS après l’annonce d’une baisse des primes des assurances-maladie de 0,2% à l’échelle nationale. Le journaliste rappelle d’abord au Conseiller fédéral en charge de la santé que la dernière fois qu’une baisse a été enregistrée c’était en 2008, alors que le libéral Pascal Couchepin occupait sa place, avant de lui demander si l’explosion qui avait, à l’époque, suivi la diminution des primes était à craindre à nouveau aujourd’hui. «Non, on n’a pas ce risque. On a vraiment ici le résultat d’un travail de très longue haleine de maîtrise des coûts, de plus de transparence, d’un travail très engagé avec les acteurs. Cela fait d’ailleurs trois ans qu’on est à un niveau faible, voir très faible. On est maintenant légèrement négatif. L’objectif c’est évidemment de rester à un niveau aussi faible que possible avec l’évolution de ces primes», répond alors Mr Berset. Il faut rappeler pour contextualiser cette baisse de 2008 qu’elle intervenait en pleine campagne de l’initiative de 2007 pour la création d’une caisse maladie unique, à un moment où les assureurs avaient intérêt à donner l’impression que la hausse des prix allait être contrôlée après des années de forte augmentation.
Depuis, et après l’échec de l’initiative, le coût des primes n’a cessé de croître et cette fois-ci le contexte est celui d’une accumulation de réserves qui atteingnent le double du minimum légal pour un total de 12 milliards de francs. Quelques jours avant l’annonce des prochaines primes, des compagnies d’assurances se sont engagées à rétrocéder 380 millions de francs à leurs assuré.es. A ce propos, le journaliste demande si un tel montant ne représente pas «quelques pièces» du «tas d’or» sur lequel les caisses sont assises. «Vous savez ça correspond à un tiers environ des dépenses annuelles des assurances maladie, donc c’est comme si elles avaient de la réserve pour payer les factures pendant quatre mois. C’est évidemment juste qu’elles aient de la réserve, mais elles sont clairement trop élevées aujourd’hui», rétorque le Conseiller Berset. Il ajoute, «on a non seulement pour l’année prochaine cette diminution de 0,2% de la prime maladie moyenne, mais on a encore en plus des remboursements de 380 millions de francs aux assurés au titre de réduction des réserves, la facture finale est donc encore même bien en dessous de ces -0,2%». Des informations qui elles aussi demandent une mise en perspective. C’est ce que propose le Responsable Santé de la Fédération romande des consommateurs dans l’émission La Matinale.
«Si on prend une prime annuelle de 3500 francs, une baisse de 0,2% c’est 7 francs en moins. Donc de ce point de vue-là on est plus sur une stabilité qu’autre chose. Le poids que pèsent les primes sur les budgets des ménages ne va pas changer l’année prochaine», explique-t-il. Une critique à laquelle il faut ajouter celle de Philippe Eggimann, président de la Société médicale de la Suisse romande et de la Société vaudoise de médecine, confiée au média en ligne Heidi News. «Le compte n’y est pas. Les 380 millions [de réserves rendues] représentent 8-9% des primes perçues en trop chaque année depuis trois ans. Cette baisse de 0,2% prouve une fois de plus la faillite du système alors que les assureurs annonçaient une hausse de plus de 1% il y a quelques jours à peine», s’insurge Mr Eggimann.
Toujours trop élevées
Ajoutons à ces éclaircissements, ceux de la Fédération des médecins suisses. «Pour les foyers à faibles revenus, souvent des familles monoparentales et des retraités, les primes restent cependant encore trop élevées et une aide ciblée, nécessaire. Les mesures indifférenciées que le Conseil fédéral prévoit pour maîtriser la hausse des coûts toucheraient doublement les personnes socialement et économiquement déjà défavorisées», précisent nos docteurs, rappelant que comme ces personnes ont une «charge de morbidité» plus importante et un pouvoir d’achat plus faible pour une prise en charge privée, «elles seraient particulièrement touchées par des restrictions de soins».
C’est peut-être la dernière question du journaliste au Conseiller Berset qui révèle le mieux combien la «baisse», qui n’en est pas vraiment une, n’est que l’écume d’un problème plus profond. En effet, celui-ci demande au «socialiste» qu’est Berset s’il trouve que le «partenariat public-privé» d’assurance est le «meilleur système». A quoi l’intéressé rétorque que ce n’est pas son rôle de répondre, le système ayant été adopté par le peuple il y a une vingtaine d’années. Or celui-ci a été maintenu, comme nous l’évoquions en début d’article, lors du scrutin de mars 2007 sur l’initiative «Pour une caisse unique», initiée par le Mouvement des familles, et soutenue par le Parti socialiste de l’époque. Une campagne où le camp du «non», le lobby des assurances, avait investi plus de 3 millions de francs, dont on ne peut exclure qu’une partie ait été puisée dans les poches des assuré.es, contre environ 150’000.- pour le camp du «oui» (1.) De quoi révéler la volonté d’un système à se maintenir en place par l’argent. Une volonté dans laquelle il persévère aujourd’hui. Ce qui est peut-être la véritable explication de ce qui nous est présenté comme une «baisse», et certainement la cause du renoncement aux soins des plus précaires.
1. «Comment on a tué la caisse unique», Temps Présent, TSR, 24 novembre 2011