Le TF du mauvais côté de l’Histoire

Suisse • Très attendue, la décision sur le recours devant le Tribunal fédéral de militants vaudois condamnés en seconde instance dans leur canton pour avoir joué une partie de tennis au Credit Suisse à Lausanne en novembre 2018 est tombée ce 11 juin.

La plus haute instance juridique du pays considère que l’art. 17 du CP sur «l’état de nécessité licite», qui explique que quiconque commet un acte punissable pour préserver un bien juridique d’un danger imminent et impossible à détourner autrement agit de manière licite s’il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants, ne s’applique pas aux grévistes du climat.

«La première condition pour envisager une application de l’art. 17 CP est l’existence d’un danger qui ne soit ni passé ni futur, mais actuel et concret», expliquent les juges fédéraux. Le TF estime aussi que «d’innombrables méthodes licites auraient pu être employées pour atteindre leurs objectifs, comme notamment des manifestations autorisées».

Jugement peu convaincant

Le jugement ne convainc guère les avocat.es de Lausanne Action Climat. «Comme il l’a déjà fait dans son arrêt concernant les Aînées pour la protection du climat – où il avait retenu, de façon incompréhensible et erronée, qu’une violation des prescriptions de l’Accord de Paris sur le climat ne serait atteinte qu’à moyen ou long terme – le Tribunal fédéral refuse de prendre la mesure de l’imminence des dangers climatiques. Sa méconnaissance du sujet revient à tolérer une position attentiste qui ne tient pas compte de l’urgence à agir maintenant pour conserver une chance d’atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris», estiment les avocat.es.

Exemple de Shell

«Le Tribunal fédéral se place du mauvais côté de l’Histoire. Alors que les tribunaux du monde entier se saisissent enfin de cette thématique – que l’on pense à la condamnation récente de Shell aux Pays-Bas ou aux jugements français et allemand des plus hautes juridictions constant l’inaction des Etats en matière climatique – et alors que la finance est depuis peu sous forte pression pour réorienter ses pratiques climaticides – que l’on pense aux décisions récentes des actionnaires de ExxonMobil et Chevron – le Tribunal fédéral refuse de voir le rôle déterminant des jeunes activistes dans ce tournant historique», souligne le groupe de défense. Il rappelle que TF a finalement annulé l’aggravation des charges qui avaient été retenues par le Tribunal cantonal (condamnation pour empêchement d’accomplir un acte officiel, art. 286 CP). Ce qui fait que l’affaire retournera au Tribunal cantonal. Ce dernier devra réexaminer cette question et fixer à nouveau la peine pour tenir compte de cet allègement des charges.

Condamnation à Neuchâtel

Le même jour que la décision du TF, le Tribunal de police de Neuchâtel a condamné quatorze personnes du mouvement Extinction Rébellion à des peines financières pour avoir participé à l’action «Feu au lac», en bloquant l’avenue du 1er Mars, le 5 mars 2020, pendant 75 minutes. Tout en prenant acte de la décision, les pro-climat considèrent «que l’histoire leur donnera raison». «Les actions de désobéissance civile non violente se poursuivront et les citoyennes et citoyens en rébellion sont disposé.es à affronter la justice autant que nécessaire pour faire entendre la cause climatique», souligne un de leurs militants, Lori Burton.