D’abord «Portrait, autoportrait». Le commissaire de l’exposition, l’artiste, rédacteur et éditeur Frédéric Pajak a rassemblé, en un choix particulièrement pertinent, plus de 200 œuvres sur papier, de différentes époques, faisant appel à diverses techniques, et aux thèmes variés. Ces œuvres dialoguent entre elles au-delà des siècles.
L’art du portrait est très ancien. En témoigne un masque funéraire du Fayoum, datant de l’Égypte romaine. Comme le dit bien Frédéric Pajak: «Un portrait nous parle du sujet, de sa subjectivité. Il nous montre quelque chose de son âme, quelque chose que la parole ou l’écriture ne peuvent qu’évoquer.» On remarquera donc l’importance du regard, comme dans cette eau-forte de Rembrandt (peut-être un autoportrait) où le personnage paraît hagard. Ou dans le regard intense, qui nous fixe, de l’autoportrait de Rodolphe-Théophile Bosshard. On notera aussi la forte présence, dans les œuvres exposées, des enfants et des vieillards. Ainsi ce paysan âgé au visage très expressif marqué par les rides, dessiné par Albert Anker.
La gravité et le deuil ne sont point absents de certains portraits. En témoignent les bouleversants dessins de Ferdinand Hodler montrant sa compagne Valentine Vahé-Godel à l’agonie, ou le peintre Varlin sur son lit de mort, par l’écrivain et dessinateur Friedrich Dürenmatt. L’artiste allemande Käthe Köllwitz, terriblement marquée par la perte de son fils cadet pendant la guerre de 1914-18, montre des femmes affectées par le veuvage ou la misère.
Certains des personnages portraiturés sont des figures célèbres, comme l’écrivain James Joyce saisi par Wilhelm Gimmi, ou Voltaire dans le fameux portrait exécuté par Jean Huber. D’autres sont des inconnus. D’autres encore des amis de l’artiste, auxquels il se sent lié par des goûts psychologiques communs. C’est ainsi que Hans Bellmer, «artiste dégénéré» selon les nazis, a dessiné l’acteur Michel Simon, qui partageait le même goût de l’érotisme.
On retrouvera de grands noms, tels ceux de Jean-Dominique Ingres, Charles Gleyre, Jean-François Millet, Pierre Bonnard ou encore Giovanni et Alberto Giacometti… Mais l’intérêt de cette très riche exposition est aussi de nous présenter des artistes moins connus, notamment contemporains. C’est surtout le cas dans la deuxième salle. Les œuvres de ces dernières décennies ont été particulièrement marquées, d’un côté par une tendance à l’expressionnisme, de l’autre par l’hyperréalisme à la Andy Warhol. Signalons un dessin minimaliste de Mix & Remix, dégageant l’essentiel d’un visage en quatre traits. Enfin un portrait inspiré par le surréalisme: dans Le menuet des poux, Olivier O. Olivier montre une violoniste aux seins nus promenant son archet sur sa longue chevelure. On le voit, l’exposition Portrait. Autoportrait est d’une extrême variété.
Oskar Kokoschka. L’appel de Dresde
La deuxième exposition se décline à l’étage du Musée, lequel renferme, grâce à un legs, la plus grande collection d’œuvres de Kokoschka au monde, comprenant 2300 œuvres! Or, il y a juste cent ans, en 1921, le grand artiste austro-hongrois fut appelé comme professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Dresde. Cette ville, hélas quasi anéantie pendant la Seconde Guerre mondiale, était alors surnommée la «Florence de l’Elbe». Certaines de ses œuvres, de caractère pacifiste, attestent du traumatisme que fut pour lui la guerre de 1914-18, à laquelle il participa dans la cavalerie et où il fut grièvement blessé. Kokoschka se révèle à Vevey non seulement comme un puissant coloriste, mais aussi comme un remarquable dessinateur. Notons enfin que son expressionnisme n’est pas toujours violent – comme il l’est par exemple chez Egon Schiele et Ernst Ludwig Kirchner – mais souvent aussi heureux. L’exposition présente notamment une série de splendides aquarelles d’une grande sérénité montrant des jeunes filles ou des enfants. Les huiles et aquarelles de cette période éclatent de couleurs vives et fauves.
«Portrait, autoportrait» et «Kokoschka. L’appel de Dresde», Musée Jenisch, Vevey, jusqu’au 5 septembre.