Premier procès climatique dans le Canton

Neuchâtel • Quinze grévistes du climat qui avaient bloqué l’une des artères principales de la ville, le 5 mars 2020, ont dû se présenter devant le Tribunal de police. Une première dans le canton, bien que la thématique soit de plus en plus banalisée.

«Il était de ma responsabilité de manifester pour exprimer mon avis», souligne Marion, membre d’Extinction Rebellion (.Extinction Rébellion Neuchâtel)

L’action «Y a le feu au lac», organisée par Extinction Rebellion (XR), avait arrêté le trafic routier sur l’avenue du Premier Mars pendant 75 minutes. Les activistes souhaitaient attirer l’attention de la population sur l’urgence climatique en s’installant sur un passage piéton, car «les votations et outils démocratiques ne sont pas suffisants». La police, elle, n’aurait pas clairement sommé les participant.es de partir, ni prévenu qu’elles et ils risquaient une dénonciation en restant sur place.

Le procès s’est ainsi ouvert lundi matin avec une chorale révolutionnaire et une haie de sympathisant.e.s habillé.e.s de noir pour accompagner et soutenir les prévenu.e.s devant l’hôtel de ville. «Je suis anxieuse», explique Marion, l’une des prévenu.es, dans une vidéo du compte Instagram de XR Neuchâtel (@xrneuchatel). «Mais c’est aussi l’opportunité de pouvoir m’exprimer pas seulement dans la rue, mais dans le système juridique».

Thème remis au second plan

Neuchâtel étant le dernier en date, ce type de procès a déjà eu lieu entre autres à Lausanne, Zurich, Genève, Bâle et Fribourg. Des procès et une thématique que la crise sanitaire a remis au second plan. Ainsi d’autres priorités, l’impossibilité de manifester pendant de longs mois et une banalisation des Grèves pour l’avenir, ont eu raison du traitement médiatique et de l’intérêt général de la population.

Le 21 mai, les premières Grève pour l’avenir depuis plus d’une année ont eu lieu dans tout le pays sous une pluie battante, et malgré cela avec succès. La presse n’en a pas fait grand cas (1). Le lendemain, une manifestation réunissant 5000 personnes a eu lieu à Neuchâtel contre la Loi Covid, «loi liberticide» selon les organisateurs. Presqu’aucun.e participant.e ne portait de masque, et la presse a largement relaté les faits.

S’il est normal que la pandémie soit la préoccupation principale, donner crédit à cette série d’événements est important particulièrement dans notre pays où faire physiquement face aux autorités est tout au mieux mal vu. Ces actions démontrent un courage civil nécessaire au changement politique: «Lorsque j’ai pris conscience que j’avais le droit de manifester mon avis dans la rue sans me faire assassiner comme dans de nombreux autres pays, je me suis dit qu’il était de ma responsabilité de le faire», reprend Marion. Les prévenu.es doivent ainsi répondre de leurs actes pour avoir fait passer un simple message: l’urgence climatique ne peut plus être reléguée au second plan. Un message qu’il faudra répéter tant qu’il ne sera pas écouté.

Vers une restriction des actes politiques?

N’oublions pas non plus que les peines judiciaires et financières prononcées sont importantes pour les activistes, alors même que la loi sur les mesures policières contre le terrorisme (MPT) n’a pas (encore) été acceptée. Que ce serait-il passé si cela avait été le cas? Les militant.e.s auraient-elles.ils été assignés à résidence pour avoir dérangé l’ordre public? Nous avons toutes et tous été témoins de l’étendue des violences policières à la ZAD de la Colline. Comment serons-nous traité.e.s si cette loi est acceptée?

Nous savons que notre combat pour une société plus juste et respectueuse de la nature est un combat sur le long terme. Et notre engagement est d’autant plus important aujourd’hui, à l’aube d’une votation qui risque d’avoir de lourdes conséquences sur notre militantisme. Votons NON à la loi MPT le 13 juin, et inspirons-nous du courage civil des activistes du climat. Pour celles et ceux de Neuchâtel, le verdict tombera le 11 juin.

1 Le Courrier a toutefois consacré des reportages d’une page dans son édition du 25 mai à La Grève pour l’avenir de Genève et Lausanne (ndlr).

 

 

La Grève du climat dénonce une police à deux vitesses

A l’occasion de la Grève pour l’Avenir, les 800 personnes présentes pour la justice sociale et climatique dans le cadre d’une journée d’actions et de mobilisation de la Grève pour l’Avenir du 21 mai n’ont pas eu le droit d’emprunter l’Avenue du 1er mars. «Une demande d’autorisation avait été déposée un mois à l’avance en élaborant un plan de protection extrêmement complet afin d’éviter toute mise en danger des participant.es et dans le respect le plus total des mesures Covid», rappelle la Grève du climat Neuchâtel, mais rien n’y a fait et les manifestant.e.s ont emprunté le Faubourg du Lac.

Le 22 mai, changement de cap de la part de la police. La manifestation «Stiller Protest», rassemblant près de 5000 personnes en opposition aux mesures de confinement et à la Loi Covid soumise au vote le 13 juin, ont pu tranquillement déambuler sur la fameuse artère, souvent sans masque. «Nous avons contacté les personnes présentes lors de la négociation du parcours et qui nous avait refusé l’Avenue du 1er Mars afin d’obtenir des explications. On a tout d’abord refusé de nous répondre puis nous a été expliqué que le nombre leur avait semblé déterminant», relève la Grève du climat. «Le 14 juin approche! En tant qu’organisation amie nous suivrons de près les négociations du parcours de la manifestation du collectif neuchâtelois de la Grève féministe et si iels n’obtiennent pas ce qu’iels demandent au prétexte d’entrave à la circulation, nous n’hésiterons pas à réagir et à revendiquer que nos droits démocratiques soient respectés», prévient-elle.

Réd.