Cette île grecque située sur la mer Egée avait brièvement attiré la focale médiatique, en 2020, lorsque son camp de réfugié.es de Moria, le plus grand d’Europe. Il abritait des milliers d’hommes, femmes et enfants, avant d’être réduit en cendres par un incendie, dont l’origine reste inconnue (1). Sur ce bout de terre, la beauté des paysages tranche avec les horreurs qui y ont cours. Ceci à en croire l’auteur, ancien Rapporteur de l’ONU pour le droit à l’alimentation et désormais Conseiller au Conseil des droits de l’homme onusien.
Calvaire sans fin
Ici, à quelques encablures de la Turquie, qu’un ferry relie à Mytilène la capitale de Lesbos pour 35€, des dizaines de malheureux.euses arrivent quotidiennement. Au péril de leur vie sur des zodiacs, contre 1000€ versés à des passeurs. Les personnes parvenant vivantes aux abords des plages grecques auront à faire face aux push-backs, des opérations d’interception violentes pratiqués par les navires des gardes-côtes turcs et grecs ainsi que de l’agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes Frontex. Elles ont lieu jour et nuit et pour but de rejeter zodiacs, barques et rafiots dans les eaux territoriales turques, et ainsi empêcher les personnes à bord de déposer une demande d’asile en territoire européen.
Celles qui n’en mourront pas, que ce soit sous les coups de barres en fer, les tirs, de froid, épuisement ou noyade, finiront arrêtées. Mais leur souffrance n’a pas de fin. Dans le nouveau camp bâti (suite à la destruction de celui de Moria), sur un ancien site de l’armée grecque, où les personnes survivantes sont internées, les conditions de vie sont inhumaines. Il en va de même dans les camps de fortune construits au milieu des oliveraies de la région.
Répression multiforme
Autours des abris, solides pour certains, de bric et de broc pour d’autres, rats et serpents «colonisent les montagnes d’immondices». Par manque d’eau, ces prisonniers.ères ne sont pas en mesure d’assurer correctement leur hygiène. Ce qui entraîne la prolifération de parasites comme les poux ou le sarcopte responsable de la gale. Les repas distribués, en quantités insuffisantes, sont pour partie «immangeables», dégageant une odeur «nauséabonde». En hiver, la température est glaciale. Les toilettes en nombre insuffisant, ne sont pas éclairées et ne disposent pas de verrous. Les femmes en particulier y sont harcelées et violées pendant la nuit.
Après le calvaire d’une odyssée tragique ayant conduit ces réfugié.es à Lesbos, émaillée de tortures, extorsions et détentions arbitraires, le système administratif, qui devrait les sortir de là, s’avère déficient. Certaines personnes y étaient depuis deux ans au moment du voyage de M. Ziegler. Autant d’éléments parmi d’autres qui font de «Lesbos, la honte de l’Europe».
(1) Certains indices feraient penser à une action de l’extrême droite.
J. Ziegler, Lesbos, la honte de l’Europe, Flammarion, 2020.