Une externalisation indigne

UE • La stratégie consistant à externaliser la détention des migrants pour les empêcher d’atteindre les frontières de l’UE «à tout prix» fait l’objet d’un nouveau rapport du Transnational Institute (TNI) défendant les droits humains.

L’Union européenne fait feu de tout bois pour empêcher la venue de populations migrantes sur son sol. Avec les pays candidats à l’adhésion notamment dans les Balkans, il est ainsi imposé de détenir les personnes candidates à l’exil et de les empêcher de franchir la frontière. Dans le cadre des accords de pré-adhésion, note le rapport Externaliser l’oppresion, l’UE fournit les fonds nécessaires pour faire ce travail. Que ce soit en Albanie, Bosnie-Herzégovine, Serbie, Kosovo, Monténégro ou Macédoine du Nord. Dans ce dernier pays, l’Europe a investi 14,5 millions d’euros en 2018 pour construire un nouveau centre de détention à Skopje. «Celui-ci devait remplacer un autre existant (Gazi Baba), aussi dans la capitale macédonienne, qui depuis son ouverture en 2007 a été l’objet de nombreuses dénonciations pour violences policières, harcèlement ou mauvaises conditions sanitaires.»

Camps de rétention controversés

En Bosnie, a été inauguré en 2009 le camp de détention à Lukavica. Un an plus tard Migreurop constatait que des personnes migrantes y avaient été enfermées 8 mois, sans possibilité de recours légal. Elles avaient en outre été victimes de vol ou de violence de la part de gardes et officiers de police. Plus à l’Est, depuis le 1er juillet 2020, un accord de réadmission entre l’UE et la Biélorussie est entré en vigueur. En vertu de cet accord, ce pays est tenu d’accueillir non seulement ses propres personnes ressortissantes en situation irrégulière dans l’UE. Mais aussi celles de pays tiers qui étaient en transit dans le pays avant de rejoindre l’UE. En Azerbaïdjan ou en Géorgie, l’UE finance des centres d’accueil-rétention.

Pouvoir de l’argent

Le chantage s’exerce également dans les relations avec les pays africains, où l’UE déploie une «approche fondée sur l’incitation et la menace», prolongement d’une «dynamique colonialiste dans laquelle les fonds d’aide au développement sont conditionnés à l’approbation de lois ou de politiques visant à retenir les migrant.e.s se dirigeant vers l’Europe», comme dans le cas du Niger.

Dans cet État, l’Organisation internationale des migrations (OIM) gère six camps. Si cette agence affirme que ces personnes migrantes peuvent partir «quand elles le veulent», la condition pour les accueillir à couvert est qu’elles se montrent disposées à rentrer «volontairement» dans leur pays. «Le mythe du retour volontaire est un chantage et les histoires que racontent les personnes qui rentrent volontairement sont utilisées pour dissuader de futures personnes migrantes», souligne le rapport. Si le Maroc ne semble pas compter de centres de détention, ceux et celles qui y transitent sont détenu.e.s dans des commissariats, casernes ou lieux ad hoc, avec régulièrement des déportations vers le désert.

Modèle australien

Le contrôle des frontières dans l’UE est inspiré du «modèle australien», indique le rapport. Ce système, basé sur le placement des requérant.e.s d’asile dans des centres de détention dans des pays tiers, «ne vise pas à garantir les droits des migrant.e.s, mais à dissuader ou à repousser à tout prix les futurs demandes». Ces derniers mois, l’UE n’a fait qu’approfondir cette politique d’externalisation des frontières. En septembre 2020, la Commission européenne a lancé son Nouveau pacte sur la migration et l’asile, Celui-ci repose en grande partie, sur la «détention des personnes cherchant à entrer en Europe dans des centres situés en dehors de la juridiction de l’UE pour un examen obligatoire avant entrée».

Piège du «retour volontaire»

Le 27 avril, la Commission européenne a présenté la stratégie de l’UE en matière de retour volontaire et de réintégration, un plan qui complète son Nouveau pacte. Celui-ci continue sur la voie de l’accélération des retours et de l’externalisation des frontières. Il est basé sur certaines incitations financières. Mais selon l’organisation internationale pour la défense des droits des sans-papiers (PICUM), «les migrants sont surtout ouvertement encouragés à rentrer dès leur arrivée dans l’UE par le biais des conseils de retour fournis par Frontex (l’agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes, ndlr), même pendant leur asile», précise le journal El Salto.