Grève d’avenir, graines de résistance

Suisse • La Grève pour l’avenir ambitionne de faire converger les luttes le 21 mai, en regroupant syndicalistes, jeunes militants pour le climat, membres de la Grève féministe, partis et ONG.

La Suisse échoue de manière spectaculaire à atteindre le maigre objectif climatique qu’elle s’est fixé. L’Agence internationale de l’énergie prévoit la deuxième plus forte augmentation des émissions liées à l’énergie depuis le début des mesures… et, pendant ce temps, les 300 Suisses les plus riches ont gagné la somme astronomique de 5 milliards de francs suisses pendant la pandémie», argumente la Grève pour l’avenir, issue de la Grève du climat. Ce regroupement militant rappelle qu’il y a déjà plus d’un an qu’il donne de la voix contre l’inaction politique face à la crise climatique. «Or, cette inaction demeure palpable, et les résultats dérisoires. Nous nous devons donc de continuer le combat et d’augmenter la pression», assure-t-il, en appelant à la mobilisation.

Extinction et revendications

A l’occasion d’une conférence de presse romande à Lausanne, les militant.e.s issus de ce mouvement de défense du climat et de la biodiversité ont dessiné le programme de leur journée de mobilisation du 21 mai, suite au report de celle qui devait avoir initialement lieu le 15 mai 2020. Au-delà des seuls enjeux climatiques demandant une neutralité carbone au plus vite et de ne pas dépasser une augmentation des températures de 1,5°, les revendications synthétisées dans un Manifeste, se lancent tous azimuts.

Ainsi dans le défrichement d’un autre monde. Il promeut dorénavant des investissements massifs dans le service public, la reconversion professionnelle afin de créer des centaines de milliers d’emplois verts dignes, en passant par la production d’énergie renouvelable. Ou encore la revalorisation des professions de soin. Mais aussi un système alimentaire social et agroécologique, un avenir éco-féministe ou la mise en place d’un système financier transparent sans investissements polluants et meurtriers.

«A force de publicités, de politiques sournoises et de travail aliénant, nous finissons tous et toutes par reproduire et défendre les mécaniques de notre extinction. Si Total a développé puis popularisé, la notion d’empreinte carbone, c’est pour deux raisons bien précises: individualiser l’action politique (par là j’entends: la rendre impuissante) et nous détourner des vrais responsables de cette crise – les multinationales prédatrices et les États qui les protègent», assure Terenia Dembinski de la Grève pour l’Avenir à Fribourg, canton où une coalition de plus de 30 organisations sont décidées à faire la grève pour une transformation écologique et sociale de la société.

L’union fait la force verte et syndicale

Pour l’occasion, les syndicats seront de la partie dans toute la Suisse: «L’ambition est de créer un mouvement populaire large et présent dans différents domaines et secteurs économiques et sociaux», synthétise Nadine Frei, membre d’Unia et de la Grève du climat Genève. «L’urgence climatique nécessite des réactions collectives d’ampleur. Pour éviter la catastrophe et mettre un terme aux inégalités croissantes, nous devons viser un changement profond de société», résume Lea Ziegler, secrétaire syndicale de SSP, dans le journal Services Publics.

Elle rappelle aussi que cette journée n’est «qu’une première étape» et que la mobilisation continuera à l’automne, dans le but de créer un rapport de force plus favorable, avec comme objectif une véritable Grève générale. La crise étant internationale, des discussions ont aussi lieu avec des mouvements dans le reste du monde comme Fridays for Future, à l’heure où planent les menaces de syndémie. Soit l’entrelacement de maladies, de facteurs biologiques et environnementaux qui, par leur synergie, aggravent les conséquences de ces maladies sur une population.

«Il faut mettre en évidence les liens entre crise sanitaire, climatique et sociale. Dans la santé, les conditions de travail et effectifs se dégradent, alors que dans la construction, les travailleurs subissent de plein fouet les changements climatiques avec des intempéries et canicules. Dans le secteur de la vente, le patronat tente encore une fois de faire augmenter les horaires d’ouverture des magasins en outrepassant l’obligation de négocier une CCT, alors que dans le nettoyage, les produits utilisés par les entreprises nuisent non seulement à la santé des travailleurs, mais également à l’environnement», énumère Nadine Frei.

Inégalités partout, justice climatique nulle part

«Les inégalités écologiques renforcent les inégalités sociales, nous ne disposons pas toutes et tous des mêmes ressources pour s’adapter et surmonter les changements climatiques et ce sont la plupart du temps les personnes les plus précaires et qui n’ont qu’une responsabilité marginale dans ce réchauffement qui sont le plus touchées par les conséquences de ces dérèglements», renchérit Solenn Ochsner, d’Unia Neuchâtel, de la Grève féministe et Grève pour l’Avenir.
Elle défend une réduction massive du temps de travail sans aucune perte salariale pour les bas et moyens revenus ou un revenu de transition écologique de reconversion professionnelle. Des revendications en faveur du maintien de la CCT Santé 21 à Neuchâtel, pour la création de 1000 emplois verts par an à Genève ou en soutien à la fonction publique jurassienne seront aussi au programme du SSP lors de la journée.

Ecologique et anticapitaliste par nature

Malgré des appréciations différentes sur la votation du 13 juin relative à la nouvelle Loi CO2 – refusée par les militant.e.s de la Grève du climat en Suisse romande tout comme par la gauche combative, les partis comme le PS, les Verts – tenants du compromis sur la loi – descendront aussi dans la rue pour soutenir et participer au mouvement. Sur la base d’un papier de position argumenté expliquant les raisons de son engagement et ses objectifs, le Parti du Travail (PdT), tout comme les autres sections du PST-POP, seront de la partie.

Rappelant que «la question du climat est aussi une question de classe», s’opposant à «une écologique punitive et anti-sociale» et dénonçant le «capitalisme vert», la formation défend «une rupture avec l’ordre établi», et préconise une «écologique anticapitaliste». «Aujourd’hui, l’urgence climatique est la contradiction centrale autour de laquelle tout se joue: ou rupture avec le capitalisme et construction d’une nouvelle société socialiste et écologiquement durable, ou maintien d’un système capitaliste, impérialiste et oppressif, au prix d’une destruction accélérée de l’environnement, et d’une société de moins en moins vivable», relève la contribution. Les termes de l’équation posée, sera-t-elle bien résolue?

Infos complémentaires et agenda de la journée sur www.grevepourlavenir.ch/