C’est là une exposition particulièrement ambitieuse. Elle revêt au premier chef un caractère artistique, mais aussi scientifique et même, pourrait-on dire, philosophique, dans la mesure où elle s’interroge sur la survie des arbres, si nécessaires à notre écosystème. Un thème particulièrement important à notre époque où le réchauffement climatique provoque l’effondrement de la biodiversité. L’artiste s’est donc adjoint la collaboration du Musée et des jardins botaniques cantonaux et de leurs spécialistes. Cet aspect scientifique est dûment développé, mais de manière très accessible au profane, dans la brochure que les visiteurs de l’Espace Arlaud trouveront à l’entrée, et qu’ils pourront lire en toute quiétude à leur domicile. Nous allons donc nous concentrer ici sur l’aspect esthétique de cette grande et belle exposition.
Large palette
Elle séduit d’abord par la variété des techniques utilisées. Anne-Lise Saillen, qui dit avoir «toujours aimé les arbres», a fourni un énorme travail, qui s’est étendu sur plusieurs années de réflexion et de création. Dans une série d’oeuvres en trois dimensions, elle a créé des arbres artificiels avec leurs feuilles, en fer, papier de journal mâché, acrylique et brou de noix. Dans une autre salle, dont les murs sont recouverts de panneaux peints qui figurent des troncs, on croit se promener dans la forêt. Savait-on que la Lune exerce une influence, non seulement sur les marées, mais aussi sur la croissance des arbres? Ce que suggère l’artiste, dans trois panneaux poétiques, où l’on voit derrière un arbre la marche progressive de l’astre dans le ciel.
Recyclages et découpages
L’artiste a toujours été séduite et influencée par l’estampe japonaise. On le ressent dans ses propres estampes à l’encre de chine et mine de plomb en noir-blanc, d’une très grande délicatesse. On s’arrêtera aussi avec curiosité et intérêt dans une salle où sont exposées des oeuvres de petite taille, où Anne-Lise Saillen a réutilisé (ou recyclé) des fragments de cartes de géographie, et illustré chaque pays par un découpage peint représentant un arbre caractéristique de la région. Dans le même esprit, la série intitulée «Vues de la planète bleue», consacrée à de nombreux pays et à leurs arbres emblématiques, palmier ou baobab par exemple. Elle est agrémentée d’un timbre-poste et d’une courte citation d’un poète, dont Pablo Neruda.
L’aspect scientifique, certes sous-jacent, n’est cependant pas absent de l’exposition. Le Musée botanique lui a prêté quelques pièces de son joyau, l’herbier peint par Rosalie de Constant en 1795, et constitué de 1245 planches peintes d’espèces végétales poussant en Suisse et accompagnées, pour chacune d’entre elles, d’une description minutieuse de la plante.
Nombre d’or
Évoquons enfin, à l’étage, l’installation monumentale faite de petits panneaux colorés suspendus et intitulée «Mezza Voce». Celle-ci s’inspire du nombre d’or découvert par Euclide et de la «suite de Fibonacci» découverte au XIIIe siècle. Mais même pour celles et ceux qui ne seraient pas férus de mathématique, ce travail considérable enchante par la disposition, la taille diverse et les couleurs de cet ensemble au milieu duquel il fait bon déambuler.
Pour rappeler que le sort des arbres est capital pour notre biosphère, alors que certaines régions connaissent des déforestations massives et parfois criminelles, les visiteurs ont la possibilité, au rez-de-chaussée, d’ajouter une feuille à un arbre sommairement peint, et de laisser un message personnel pour témoigner de leur implication dans la défense de notre écosystème. Voilà donc une exposition qui enchante les sens et nous permet de prendre mieux conscience d’un enjeu majeur pour notre Terre.
Anne-Lise Saillen, «Et les arbres demain? Exposition entre art et science», Espace Arlaud, Place de la Riponne, Lausanne, me-di, jusqu’au 4 juillet.