Bien que la composition de cette convention constitutionnelle soit paritaire et que des sièges soient réservés aux peuples indigènes (17 places sur 155), elle laisse planer de nombreux doutes sur les possibilités réelles d’élection de candidats indépendants des partis politiques, qui font partie de mouvements et d’organisations sociales, compte tenu du nombre énorme de listes existantes (plus de 70).
Ainsi, le défi de la rédaction d’une constitution, à laquelle participent des personnes issues des mouvements sociaux, présente une difficulté, étant donné que les partis politiques traditionnels utiliseront toute leur machinerie électorale dans les circonscriptions où ils sont présents (maires, conseillers, députés, sénateurs), bénéficiant également de créneaux télévisuels électoraux, qui laisseront de côté de nombreuses candidatures indépendantes.
Il faut donc s’attendre à ce que la convention constitutionnelle soit formée par la même classe politique que celle des 30 dernières années, et que les revendications des mouvements sociaux (fortement poussées lors de la révolte d’octobre 2019), ne soient pas présentes dans cet organe. Surtout si l’on considère que la droite chilienne est plus unie que jamais dans cette élection, et que pour approuver les futurs articles de la constitution, il faudra 2/3 des voix.
En tout cas, la nécessité de donner de la visibilité aux listes alternatives et aux candidats critiques des pouvoirs en place, issus des mouvements sociaux des 20 dernières années au Chili, reste très nécessaire en ce moment, dans un pays avec un tel niveau de concentration des médias.
Des candidatures alternatives
Les candidatures critiques sont trop nombreuses pour être citées ici, mais en termes de listes engagées dans la construction d’un pays féministe, socio-environnemental et plurinational, il sera très intéressant de voir ce que feront par exemple «La Lista del Pueblo», «Movimientos sociales: unidad de independientes» et «Voces Constituyentes», qui sont fortement ancrées territorialement.
Les candidat.e.s provenant d’organisations comme le Mouvement pour l’eau et les territoires, le Comité de coordination féministe 8M devraient être soutenu.e.s, si nous voulons des transformations importantes. Il en va de même pour les candidats qui sont des référents du peuple mapuche.
Tous ont fait preuve d’une formidable histoire de luttes politiques dans leurs organisation et territoires pendant toutes ces années, ont cherché sans relâche la décolonisation, la dépatriarcalisation et la démercantilisation, au sein d’un pays qui a été vendu au monde comme modèle à suivre, alors qu’il était soutenu par une matrice productive privée et extractive dominée par les hommes des secteurs supérieurs, approfondissant ainsi le racisme, le classisme et le machisme.
Heureusement, grâce à la révolte de 2019, cet imaginaire d’un Chili prospère et entreprenant s’effondre enfin, malgré le fait que la droite pinochetiste continue à croire le contraire et qu’une partie de la gauche veut faire de simples réformes cosmétiques au néolibéralisme, comme celles réalisées entre 1990 et 2009.
Par conséquent, bien que cette élection soit un pas vers la démocratisation du pays, ce n’est pas le plus important, comme le croient les grands médias. Indépendamment de qui sera élu pour rédiger la nouvelle constitution, le plus important serait que thèmes et problématiques soient portés par les conseils locaux autogérés, formés par les communautés, par le biais de leurs assemblées de quartier.
Pour cette raison, il est fondamental pour construire ce nouveau projet de vie collective du pays, que la nouvelle convention constitutionnelle ne soit pas une chambre représentative comme les autres, comme celles du congrès, où ses membres sont auto-dirigés, mais qu’elle soit obligée de se mettre activement en rapport avec les communautés mobilisées et organisées, par le biais de mécanismes de participation contraignants.
En résumé, la démocratie au Chili doit être non seulement représentative, mais aussi participative, communautaire, décentralisée et sans caudillos, bien que les élites nous aient induits en erreur en nous faisant croire le contraire pendant des décennies, dans un pays qui, cette fois, a pour la première fois de son histoire la possibilité de construire son propre destin.