Les géants de la pharma dans le viseur de Public Eye

Vaccin • L’organisation détaille les stratégies des géants de la pharma pour maximiser leurs bénéfices, alors même que leurs produits ont été massivement financés par des fonds publics.

Forte d’un laisser-faire étatique, la stratégie des grands laboratoires pour faire du profit est multi-facettes, accuse d’emblée le rapport Big Pharma takes it all de Public Eye. Outre l’utilisation de brevets, qui visent à indemniser les entreprises pour le développement d’innovations en empêchant d’autres de fabriquer et de commercialiser leurs inventions, ils privilégient la demande des pays riches, tout en favorisant l’opacité comme pilier du modèle d’affaires. «Si les clauses de non-divulgation étaient courantes pour les prix des traitements avant Covid-19 (par exemple, pour les médicaments contre le cancer avec des rabais secrets), la combinaison de la rareté de l’offre et des pressions politiques intérieures semble avoir conduit à une confidentialité encore plus grande que d’habitude», relève le rap- port.

Ainsi aux Etats-Unis, plusieurs sociétés (Novavax, Pfizer, Sanofi, Johnson & Johnson) ont même utilisé un mécanisme alternatif appelé «Other Transaction Agreement» (OTA), dans le cadre duquel une société tierce gère et attribue les contrats au nom du gouvernement américain. L’un des avantages de ces contrats flexibles est qu’ils ne nécessitent pas de garde-fous juridiques, contournant ainsi les lois qui garantissent l’accessibilité financière des médicaments et vaccins financés par les contribuables.

Public Eye expose aussi d’autres griefs comme la fixation d’objectifs peu ambitieux pour les essais cliniques, l’imposition de prix injustifiables, le versement de dividendes aux actionnaires plutôt que pour l’investissement dans les médicaments ou le lobbysme intensif de cette industrie en matière de santé et de prix. «La plupart, sinon la totalité, des essais cliniques Covid-19 ont été accélérés et les données ont été envoyées aux autorités réglementaires sur une base continue tout au long du processus, au lieu de les présenter en vrac avec la demande d’autorisation de mise sur le marché. Les phases d’essai ont été pour la plupart menées en parallèle, “conçues pour fournir la lecture la plus rapide possible plutôt que de traiter des questions plus pertinentes” et en utilisant “des stratégies faciles à mettre en œuvre mais peu susceptibles de produire des estimations d’effets non biaisées”», souligne l’enquête.

Dans un dernier chapitre, Public Eye dénonce l’attitude suisse, «agissant discrètement en coulisses pour protéger sa puissante industrie pharmaceutique». «Le gouvernement suisse n’a jamais répondu à la lettre ouverte lui demandant de soutenir le pool de partage de la propriété intellectuelle (C-Tap) et du savoir-faire de l’OMS, et de faciliter la délivrance de licences obligatoires en cas de pénurie d’approvisionnement ou de prix excessifs».

Le gouvernement helvétique  se révèle l’un des plus farouches opposants à une dérogation Covid-19 aux droits de propriété intellectuelle (ADPIC) proposée par l’Inde et l’Afrique du Sud, qui est actuellement en discussion à l’OMC. «On ne sait pas si le gouvernement a offert des avantages fiscaux pour l’ouverture du nouveau bureau de Moderna à Bâle, mais cela semble très probable. La Suisse a été l’un des premiers pays à conclure un accord bilatéral avec cette multinationale, facilité par la société suisse Lonza, le partenaire de fabrication de Moderna», souligne encore le rapport.

Infos complémentaires sur www.publiceye.ch