La collection d’art rassemblée par la compagnie Helvetia est la plus grande collection d’entreprise en Suisse. Conservée à son siège de Bâle, elle est forte de plus de 2000 œuvres, exécutées par près de 400 artistes. Acquise depuis les années 1940, elle illustre les principales tendances de l’art moderne helvétique. Le Musée d’art de Pully en présente une sélection, où l’accent a été mis résolument sur l’art contemporain, avec ce qu’il a de plus intéressant… mais parfois aussi d’insignifiant. La démarche est thématique. La première partie est axée sur le paysage.
Mutation du paysage
Aux 18e et 19e s., à l’attention des touristes étrangers, la Suisse n’a cessé de mettre en avant ses beautés naturelles, et surtout ses paysages alpins idylliques. Ceux-ci ont fortement contribué à créer une conscience nationale helvétique. Le Piz Duan, peint en plein été par Giovanni Giacometti en 1908, en est une belle illustration. Puis la conception du paysage va évoluer. Chez Walter Moeschlin et Myriam Cahn, on n’est plus face à la reproduction d’un site particulier, mais à un paysage imaginaire empreint de surréalisme. Puis le visiteur est confronté aux abstractions géométriques, toutes de rigueur. En 1929, Max Bill, formé au Bauhaus en Allemagne, s’installe en Suisse et inspire ce nouvel art pictural qui recourt à des formes géométriques simples (carrés, rectangles, cercles). Il sera aussi en 1964 l’aRchitecte du Théâtre de Vidy à Lausanne. Dans les années 1990 et 2000 apparaissent cependant de nouvelles tendances moins puristes et plus subjectives. Flag de Philippe Decrauzat (2015), figure un drapeau sur une surface plane, où un effet de trompe-l’œil donne l’illusion que celui- ci flotte sous l’effet du vent.
Espaces construits
Une autre salle est consacrée aux espaces construits, représentés en deux dimensions. Il ne faut pas oublier que les œuvres acquises par Helvetia sont destinées à intégrer les espaces de l’entreprise. En 1938, Rudolf Maeglin peint le chantier des bâtiments de la CIBA, conçus dans l’esprit du Bauhaus. Tandis que Monica Studer et Christoph van den Berg, avec Waiting Zone, mettent en évidence le caractère froid et anonyme des espaces commerciaux et industriels.
Quant à la représentation de la figure humaine, elle a aussi beaucoup évolué. Au tournant des années 1980, on est à la fin des Trente Glorieuses et des crises sociales et politiques apparaissent à travers le monde. L’art s’en fait l’écho, en représentant des personnages plus ou moins fantasmagoriques, impersonnels, fantomatiques, voire loufoques. Plusieurs œuvres présentes dans l’exposition en témoignent.
Œuvres inédites
Par ailleurs, le Musée d’art de Pully a invité quatre artistes d’outre-Sarine et leur a donné carte blanche. Ils ont créé des œuvres originales, conçues spécialement pour l’exposition. Albrecht Schnider est présent à travers une série de petits formats montrant des paysages mi- figuratifs mi-abstraits. Andriu Deplazes a choisi d’exposer des figures humaines aux tons volontairement criards, voire kitsch. Quant à Beni Bischof, il a conçu une chambre de (post-) adolescent où le visiteur est invité à prendre place, au milieu de magazines, casquettes, posters, photographies et autres objets, qui représentent bien l’univers des années 1980-1990. C’est cependant le travail de Monica Ursina Jäger qui nous a fait la plus forte impression. Sur les murs d’une salle entière, elle a dessiné à l’encre de Chine à la fois des espaces sauvages, avec des troncs de bouleaux empruntant à l’esthétique japonaise, et des espaces industriels construits. Une série de miroirs donne à cet ensemble un aspect onirique qui n’est pas sans exercer une certaine magie sur le spectateur.
En bref, l’exposition permet d’aborder dans un lieu unique les principaux aspects de l’art contemporain en Suisse.
«Perspectives. La collection d’art Helvetia». Musée d’art de Pully (VD). Jusqu’au 6 décembre 2020.