Lénine aurait eu 150 ans le 22 avril de cette année. Cela fait presque trente ans que l’État à jamais rattaché à son œuvre de révolutionnaire et dont il fut le premier dirigeant, le premier État socialiste de l’histoire, l’URSS, n’est plus. Pourtant, la propagande anti-communiste n’en continue pas moins d’en calomnier la mémoire. Preuve éloquente que la bourgeoisie continue de craindre ce que l’URSS a représenté. Mais cette propagande n’empêche pas que les peuples qui ont connu le socialisme continuent majoritairement d’en être nostalgiques, de penser que «c’était mieux avant».
Peut-être n’ont-ils pas tort? Comment quelqu’un n’ayant jamais vécu dans un système autre que le capitalisme pourrait-il se faire une opinion éclairée, et si possible impartiale, sur cette question? La lecture de Il était une fois en U.R.S.S. de Jean-Paul Batisse ne peut qu’être recommandée en ce cas.
Jean-Paul Batisse, ancien professeur à l’Université de Reims, séjourna plusieurs fois en URSS, entre 1972 et 1989. La période brejnévienne donc – péjorativement qualifiée de «stagnation» par la propagande anti-communiste, mais dont nombre d’ex-soviétiques se souviennent comme de la plus heureuse que connut leur pays – et la perestroïka. Ayant travaillé pour l’ambassade de France, à des postes différents, dans trois pays socialistes – l’URSS, la Bulgarie et la Macédoine – ainsi que comme professeur de français (un travailleur comme un autre donc) de 1985 à 1988 à Alma- Ata (République socialiste soviétique du Kazakhstan) – c’est en connaissance de cause qu’il écrit sur ce que fut le socialisme dans le premier pays où il fut édifié et de sa fin tragique.
Pas d’impasse sur les problèmes
Pour démentir la propagande anti-communiste, qui falsifie la réalité de façon éhontée, mais sans reproduire non plus la vision idéalisée que l’URSS avait parfois cherché à donner d’elle-même, l’auteur raconte la réalité quotidienne du socialisme telle qu’il a pu la connaître, avec une certaine exhaustivité. Il aborde des aspects comme la vie de tous les jours, le travail, la culture, les loisirs, le Parti et la vie politique… pour finir par la fin, la perestroïka.
Sans faire l’impasse sur les difficultés et les contradictions de la réalité soviétique – un approvisionnement défaillant pour les produits de consommation, une société imparfaitement égalitaire, une censure pas toujours judicieuse, une idéologie devenue parfois conformiste et formelle; problème que l’auteur explique comment ils auraient pu être résolus, et surtout qu’on retrouve, souvent en pire, en Occident. Jean-Paul Batisse décrit une société socialement plus avancée, plus égalitaire, plus unie, plus écologique aussi globalement (il faut le dire) et à la qualité de vie supérieure au capitalisme. Une société mue par des valeurs supérieures à celles du libre marché, qui rencontrait une adhésion réelle de sa population, et qui était en progression… avant qu’une direction indigne de son rôle choisisse de tout liquider.
Société plus humaine
Au final, le socialisme soviétique que décrit Jean-Paul Batisse n’était pas paradisiaque, ni exempt de défauts et de contradictions, mais représentait néanmoins une forme de société plus civilisée et plus humaine que le capitalisme, et surtout un début, une promesse de ce que l’avenir pourrait être. Une avancée historique brutalement arrêtée par la perestroïka, et qui laissa la place à la restauration d’un capitalisme sauvage, sous la coupe de régimes mafieux. Aujourd’hui que sortir du capitalisme devient une question de survie pour l’humanité, la première tentative d’édifier une société nouvelle, socialiste, ne peut certes pas servir de modèle indiscutable, mais constitue en tout cas une référence incontournable dont il y a beaucoup à apprendre.
Jean-Paul Batisse, Il était une fois en U.R.S.S., Paris, Editions Delga, 2019, 241 p