Trump en tête des anti-avortement

La chronique féministe • Trump en a rajouté une couche le 24 janvier, en participant à Washington à la marche annuelle «Pour la vie».

En juin 2019, le président des Etats-Unis Donald Trump avait déjà pris position contre l’IVG en interdisant les recherches sur les tissus fœtaux issus d’avortements, ce qui a pour conséquence d’anéantir des recherches cruciales contre le cancer, le sida et d’autres maladies. Pour rappel, il y a encore 1,1 million de personnes qui vivent avec le VIH aux USA.

Il a rajouté une couche le 24 janvier, en participant à Washington à la marche annuelle «Pour la vie». C’est la première fois qu’un président US outrepasse à ce point son devoir de réserve. Il est vrai qu’on ne peut pas parler de «Réserve» en ce qui concerne Trump, dont les tweets, discours et actions n’ont qu’un seul but: flatter sa base en vue de sa réélection. Comme toujours, pour défendre sa position, Trump ment notamment quand il s’en prend à ceux qui «soutiennent l’avortement jusqu’à la naissance et exécutent des bébés après la naissance». Alors que 65% des IVG interviennent à 8 semaines ou moins de gestation, la quasi-totalité (91%) à moins de 13 semaines et où seuls 1,3% des avortements se déroulent après vingt et une semaines, la loi les autorisant jusqu’à 22 semaines.

L’Alabama, la Louisiane, la Géorgie, le Missouri, l’Ohio, le Tennessee multiplient les offensives contre ce droit. L’objectif est d’amener la Cour suprême des Etats-Unis à réviser sa jurisprudence, et ainsi étendre des mesures restrictives à l’ensemble du pays. Aux EtatsUnis, le droit à l’avortement n’est pas consacré dans une loi fédérale, ni dans un article de la Constitution. Il est garanti par une jurisprudence de la Cour suprême, le fameux arrêt Roe v. Wade, établi en 1973. Pour cet arrêt, la Cour suprême s’est appuyée sur la Constitution américaine, considérant que le droit à la vie privée pouvait s’étendre au droit à l’avortement, jusqu’à la fin du premier trimestre de grossesse. En 1992, par l’arrêt Planned Parenthood v. Casey, la Cour suprême a décidé que les Etats pouvaient restreindre les modalités d’avortement, sous réserve de ne pas «instituer un fardeau excessif pour les femmes».

Depuis ce deuxième arrêt, plus de 480 restrictions ont été votées dans différents Etats, comme en Alabama et en en Géorgie. Le Planning familial et des associations pour les droits civiques ont déjà saisi les tribunaux de districts ou les cours d’appel des Etats concernés par ces lois. Les cours d’appel ne peuvent pas contredire la jurisprudence établie par la Cour suprême, mais depuis son arrivée au pouvoir, Donald Trump a noyauté les cours d’appel fédérales. Et depuis 2016, il a introduit 23% de nouveaux juges conservateurs sur les 13 que compte le pays.

Trump a déjà nommé deux juges réactionnaires à la Cour suprême, qui en compte 9, dont un Noir et deux femmes. Un président doit attendre qu’un-e juge meure ou se retire pour en nomme un-e autre. Les féministes prient tous les jours pour que la magnifique Ruth Bader Ginsburg, 86 ans, connue pour ses combats progressistes, tienne le coup jusqu’à la fin du mandat de Trump.

Les antiavortements représentent cependant une minorité. Une majorité d’Américains (59%) considère que l’avortement devrait être légal dans «tous ou presque tous les cas» ; 61% souhaitent que leur Etat adopte des lois facilitant l’accès à l’IVG, plutôt que des textes restrictifs; et 70% sont opposés à l’annulation de l’arrêt de 1973, selon un sondage de la Fondation Kaiser Family. Mais 77%  des protestants évangéliques blancs y sont opposés dans «tous ou la plupart des cas». Ces derniers constituent le cœur de la base électorale de M. Trump – en 2016, 81% d’entre eux ont voté pour lui – et le président candidat veut pouvoir de nouveau compter sur eux. C’est pour cela qu’il a participé à la Marche pro life.

Dans ces prises de position extrêmes, on ne tient pas compte du vécu des femmes qui veulent avorter. Elles ont de bonnes raisons (pauvreté, détresse, situation difficile) et si elles sont décidées, elles avortent de toute manière, quitte à mettre leur vie en danger. Les adversaires croient qu’il suffit d’interdire pour régler le problème. C’est faux, et il faut rappeler que les pays qui favorisent l’éducation sexuelle et l’IVG sont ceux qui connaissent le taux le plus faible d’avortements.

Mais on ne s’étonne pas de cette étroitesse d’esprit dans un pays dont 46% sont adeptes du créationnisme (9% en France), un mouvement qui rejette en bloc la théorie de l’évolution, qui considère que la Terre a 8000 ans d’existence seulement et que les humains ont vécu avec les dinosaures!

Au niveau mondial, l’avortement sans restriction est autorisé dans une soixantaine de pays. L’avortement est légal en France depuis 1975 (loi Simone Veil), comme dans la plupart des pays européens: Allemagne, Espagne, Portugal, Italie, Grèce, Belgique, Pays-Bas, la Russie. Récemment, l’Irlande a promulgué la loi pour l’autorisation pleine de l’avortement. Mais ce n’est pas le cas dans le reste de l’Europe, comme au Royaume-Uni ou en Italie. Des pays comme la Pologne reviennent sur un droit acquis depuis plusieurs décennies et veulent interdire l’IVG.

Au Brésil, l’IVG est interdite sauf en cas de viol, de danger pour la mère ou de malformation du fœtus, et des parlementaires ont voulu la rendre totalement illégale. En 2009, le pays a excommunié une fillette de neuf ans ayant avorté après un viol! Aujourd’hui, l’avortement est encore totalement illégal dans 18 pays le Salvador, le Nicaragua, le Surinam, Haïti, la République dominicaine, les Philippines, les îles Palaos, le Sénégal, la Guinée-Bissau, le Gabon, le Congo, Madagascar, Djibouti, la Mauritanie, Malte, Andorre, le Vatican et Saint-Marin. Comptera-t-on un jour les Etats-Unis parmi ces pays réactionnaires?

Le droit à l’avortement, qui représente le droit des femmes à disposer librement de leur corps, donc de leur sexualité et de leur vie, est un combat qui ne sera jamais fini. Comme le disait Simone de Beauvoir: «N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.» Des paroles d’une brûlante actualité.