Gate Gourmerle et le petit pain qui tue

La chronique Renart • Si l’on en croit radio-business, le Far West social serait le prix indispensable pour garder nos employeurs.

Si l’on en croit radio-business, le Far West social serait le prix indispensable pour garder nos employeurs. Toujours moins d’impôts pour l’Etat, des commerces commerçant le dimanche, des maçons maçonnant la nuit, et de faux indépendants vous livrant les calzones à la pause bien sûr pas payée. Ben désolé mais c’est rien que de la fienterie. La vraie raison qui fait rester les boîtes ici… c’est le droit du travail. En Helvétie, les trois bibles du code français se résument à quelques feuillets de gallinacées. Mais d’abord et surtout ici on peut vous licencier quand on veut comme on veut, pourvu qu’on vous donne votre préavis.

Comme disait Georges Brassinge dans sa chanson «Quatre-vingt-quinze fois sur cent…»: J’entends aller bon train les commentai-res, de ceux qui ont des châteaux, des affai-res: c’est parce que tu n’es qu’un vieux goupil, un faux anar, que tu tiens ces propos bizarres. Et pourtant non. Une preuve? Prenez Gate Gourmerle, la célèbre boîte qui vous vend des rondelles d’œufs verts dans les avions. Eh bien elle vient de licencier à Genève un employé qui travaillait pour elle depuis 28 ans. Ayant commencé à 30 ans dans ladite boîte, l’animal avait donc 58 ans au moment du licenciement. Et vous voulez savoir pourquoi on l’a licencié? Après 28 ans de «fidélité»? A 7 ans de la retraite? Parce qu’il avait osé manger un petit pain destiné à la poubelle…

Unique motif du licenciement. Parfaitement recevable selon le droit local du travail. Eminemment cohérent avec la politique d’une entreprise que certaines gueules indélicates ont surnommée «Gate Goulag»… le détournement du petit pain de vers la poubelle qui devait réglementairement l’accueillir est un crime passible de perte d’emploi en Helvétie. Avec de tels pouvoirs sur ses employés, dites-moi quel employeur songerait à partir? Car le miracle économique suisse tient finalement à deux choses très simples: la bienveillance du pays à tolérer à la fois des fonds douteux et la tronçonneuse des patrons.

Massacrement vôtre,

Renart

 

* Chronique tenue tous les 15 jours par Yves Mugny, auteur de La Faute au loup (éd. Cousu Mouche), www.yvesmugny.ch/ www.facebook.com/Yves.Mugny/

Illustration: maou.ch