Permis de ruiner

La chronique Renart • Plus que sur l’Histoire, c’est sur leurs mythes que s’inventent les nations.

Plus que sur l’Histoire, c’est sur leurs mythes que s’inventent les nations. Prenez les States. L’idée du cowboy dégainant son six coups pour planter un enclos dans la prairie et garantir la prospérité du clan contre l’assaut des Chehyènes ou des Comanchots, voilà ce qui autorise aujourd’hui le port d’arme et les tueries dans les écoles. Chez nous, on n’a pas encore vu d’arbalète décimer les préaux (ni même les pommiers). Par contre, ici les Vrenelis remplissent les cartouchières et nos westerns sont cotés en bourse. Avec toujours plus d’actions et de drames au bout du compte…

Car en voulant protéger le fric, on ne protège bien sûr que ceux qui l’ont… Des exemples? Regardez les contrats. Bientôt plus personne ne sera engagé fixe. Ublaires ou temporaires font désormais la loi. Et quand on essaie de limiter ces dégâts via des accords cantonaux, Swissstafing (faîtière des boulots sans lendemain) hurle à la mort… et gagne devant les tribunaux.

Pareil pour les privatisations. Même là où l’Etat a décidé qu’il faut garantir un personnel fixe, mieux à même par exemple d’encadrer les personnes âgées en EMS, les patrons du privé font recours en justice, réclamant le respect du mythe helvétique par excellence: la sacrosainte liberté économique. Comme déjà dit dans cette chronique, l’aéroport a privatisé sa sécurité, la Ville et l’Etat leur nettoyage, et les récentes décisions fédérales veulent favoriser la santé privée en coupant les vivres à l’hôpital.

Bref, l’Helvétie a troqué son permis de tuer contre un permis de ruiner. Et on n’en délivre qu’aux seuls employeurs du privé, puisque ceux-ci ont assez de Vrenelis pour exercer un lobby constant et efficace sur nos élus. Alors c’est vrai, l’administration Suisse est probablement moins corrompue que d’autres, mais peut-on vraiment dire pareil de son système politique?

Anarchiquement vôtre,

Renart

 

* Chronique tenue tous les 15 jours par Yves Mugny, auteur de La Faute au loup (éd. Cousu Mouche), www.yvesmugny.ch/ www.facebook.com/Yves.Mugny/

Illustration: maou.ch