«Lors des conflits et des grèves, la femme prolétaire, opprimée, timide et sans droits, d’un coup apprend à se tenir debout et droite… la participation au mouvement ouvrier rapproche l’ouvrière de sa libération», affirmait Alexandra Kollontaï, première femme de l’histoire contemporaine a avoir été ministre au sein d’un gouvernement, celui des bolchéviks. En 1920, un décret du Commissariat du peuple à la santé et aux affaires sociales et du Commissariat du peuple à la justice de Russie soviétique abolit les lois contre l’avortement. Ainsi, la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) devient le premier Etat du monde à légaliser l’interruption volontaire de grossesse, 82 ans avant la Suisse. Une réforme parmi les nombreuses autres qui – suite à la Révolution d’Octobre – ont considérablement fait avancer les droits des femmes en URSS et dans le monde entier.
Les femmes participent massivement aux grèves
En ville ou à la campagne, la condition des femmes est particulièrement misérable dans la Russie d’avant la révolution. L’immense majorité de la population est composée des paysans, libérés du servage en 1861 seulement. Dans les campagnes règne une hiérarchie patriarcale rigide qui perpétue l’oppression des femmes, traitées comme des bêtes de somme corvéables à merci. En ville, le salaire de l’ouvrière est en moyenne 50% inférieur à celui de l’homme. Dans certains métiers, la durée de la journée de travail peut aller jusqu’à 16 heures. La plupart des salariées accouchent sans assistance médicale et un grand nombre d’entre elles meurt lors de l’accouchement. Bien entendu, le congé maternité n’existe pas.
Si dans leur grande majorité, les femmes qui militent viennent de classes sociales aisées – comme Alexandra Kollontaï ou Inès Armand (membre des instances dirigeantes du parti communiste) –, la révolution de 1905 sera pour des millions de femmes de la classe ouvrière, de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie «un éveil à la vie politique», selon Kollontaï. Les femmes participent massivement aux mouvements de grève, si bien que «le plus souvent, les revendications des grévistes en 1905-1907 reflétaient les besoins des travailleuses femmes». Les tracts revendiquent un congé maternité payé, des pauses pour l’allaitement des enfants, la mise en place de crèches dans les usines. Plus tard, le 27 février 1917 (date de la journée internationale des femmes dans le calendrier orthodoxe de l’époque), les travailleuses du textile de Petrograd déclenchent la révolution qui mettra fin au tsarisme.
Le divorce officialisé
Les avancées en termes de droits des femmes ont été plus loin sous le gouvernement bolchévique que dans aucun autre pays avant lui. A l’initiative de femmes du parti bolchévique, une commission du comité central appelée Jenotdel est créée et chargée de l’action auprès des femmes. Le but est qu’elles soient partie prenante de la vie économique, sociale et politique de la nouvelle société en devenir. Alexandra Kollontaï, nommée commissaire du peuple à l’Assistance publique (elle est la seule femme du gouvernement), est chargé d’appliquer la feuille de route du gouvernement en la matière. Son œuvre est impressionnante: institution du mariage civil avec possibilité pour les deux époux de choisir leur nom, proclamation de l’égalité homme-femme, officialisation du divorce par consentement mutuel ou à la demande d’un seul conjoint sans besoin de preuve ou de témoin, droit à l’avortement, congé maternité, structures collectives telles que des crèches, des laveries ou des cuisines pour libérer la femme de l’enfermement et la solitude des travaux ménagers.
Bien entendu, la mise en place de ces nouveaux droits n’allait pas de soi et n’a pas toujours été facile à réaliser en raison des maigres ressources à disposition dans un pays dévasté par la guerre et économiquement peu développé. Par la suite, certains seront remis en question. Néanmoins, ces réformes progressistes et ambitieuses ont inspiré des mouvements féministes dans le monde entier et aujourd’hui encore – même dans les pays capitalistes «avancés» – on peut être envieuses de certains de ces acquis.