Sus à la misère en milieu étudiant!

Votations du 14 juin • L'initiative sur les bourses d'études veut offrir aux étudiants un accès équitable à la formation grâce à l’harmonisation du système d’octroi, qui leur permettra enfin de bénéficier d’une aide financière qui couvre leurs besoins.

Les étudiants d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier et, si l’’appellation demeure, rares sont ceux qui ne participent pas à la prise en charge du coût de leurs cursus. Ainsi, travailler pour contribuer à financer ses études est devenu assez commun et cela apporte d’ailleurs quelques avantages. En effet, les étudiants qui entrent dans la vie active prennent conscience des réalités et des disparités du monde qui les entoure. Ils sont mieux armés pour s’adapter à des entreprises qui ne font pas nécessairement grand cas de leur statut d’intellectuel.
Il y a toutefois une limite en termes d’horaires et d’énergie à ne pas dépasser car les chiffres sur un compte en banque ne passent pas d’examens. L’équilibre n’est pas forcément facile à trouver, surtout en début d’études. Le système des bourses existe pour permettre aux étudiants de ne pas rester les yeux fixés sur des relevés de comptes et pouvoir, ainsi, se plonger dans leurs études. Les bourses doivent également faciliter l’accès aux études payantes à des étudiants provenant de milieux modestes afin d’éviter l’éternelle reproduction sociale. Pourtant, on constate que certains étudiants sont contraints de se diriger vers d’autres branches que celles qui auraient leur préférence, en raison de leur coût. Par exemple, les études scientifiques, qui nécessitent l’acquisition de matériel, sont, de fait, exclues pour des jeunes qui savent qu’ils ne pourront s’acheter ce qui leur sera demandé. Parfois, les étudiants choisissent également par défaut des branches dans lesquelles les cours représentent un plus petit volume car ils savent qu’ils vont devoir trouver un emploi avec de nombreuses heures. Ces deux situations sont symptomatiques d’une discrimination au niveau même de la liberté de choix qui conditionne une vie.

1 pays, 26 systèmes
En Suisse, ce sont les cantons qui attribuent et déterminent le montant des bourses. Avec 26 systèmes, les disparités existantes n’étonneront personne. L’UNES, organisation faîtière des organisations estudiantines, soutenue par l’ensemble des mouvements politiques de gauche et nombre d’associations, entend dénoncer cette situation par le biais de son initiative sur les bourses d’études sur laquelle le peuple est appelé à voter le 14 juin prochain. Cette dernière conduirait à l’harmonisation des systèmes cantonaux. L’objectif étant de «fixer un seuil minimum répondant à des critères de niveau de vie décent» plus équilibré pour l’ensemble des étudiants du pays.

La situation actuelle est d’une injustice criante. A titre d’exemple, un boursier zurichois peut percevoir jusqu’au 3’800 francs par semestre alors qu’un étudiant neuchâtelois, inscrit pourtant dans la même université, ne recevra, lui, que 1’200 francs pour la même période. Cette différence est due au calcul basé sur le canton du domicile officiel de l’étudiant, qui reste souvent celui de ses parents.
L’UNES dénonce aussi la diminution constante des subventions de la Confédération depuis 1993. Celles-ci sont passées de 40 à 9% en 2008 d’après l’Office fédéral de la statistique. Ces chiffres posent clairement la question des priorités de ceux qui nous gouvernent. Le contre-projet indirect, mettant en avant le concordat intercantonal, ne signifie pas une volonté réelle d’améliorer la situation car il ne garantit pas des bourses suffisantes. De plus, 40% des étudiants ne seraient, de fait, pas concernés, car le texte n’a pas été ratifié par tous les cantons, qui ne sont pas tenus de s’y soumettre.

Galère étudiante, mode d’emploi
Pour Andrea, la bourse apporte une vraie qualité de vie, c’est une évidence. «En première année de Master à la HEAD, je n’ai pas eu de bourse et cela a été extrêmement difficile. Mes parents ne pouvaient pas m’aider. J’ai travaillé, bien sûr, mais j’étais épuisé.» Réussissant ses examens, l’étudiant genevois postule à nouveau pour la deuxième année. Le Pôle santé-social l’accueille et lui explique qu’il y a plusieurs possibilités, notamment auprès de fondations privées. Quand on va sur leur site, les bourses publiques et les aides privées sont d’ailleurs mises en avant en parallèle. On voit clairement que toutes les demandes sont centralisées dans le même système bien que l’aide privée n’ait rien à voir avec le système des bourses cantonales. Andrea remplit les formulaires et reçoit une bourse de l’université en septembre de 560 francs par mois. Puis, en novembre, une autre de 1’000 francs venant d’une fondation privée. «J’étais très content. J’ai pu arrêter de travailler et finir mon mémoire.» En mars, il reçoit une lettre lui indiquant qu’il ne peut pas cumuler les deux subventions et que les 560 francs, perçus pendant quatre mois, doivent être remboursés. «Je n’ai pas compris. Soit disant que tout est dans le même système, ce qui pour moi signifie qu’on voyait que j’avais obtenu deux bourses. Je pensais donc que c’était en ordre. Au final, on attend quatre mois pour me dire que c’est de ma faute et que j’aurais dû le signaler. J’ai pris rendez-vous, non pour contester, mais pour exposer mon cas et surtout pour que cela n’arrive pas à d’autres étudiants car le système ne m’avait pas été expliqué, sinon j’aurais signalé les deux bourses.» La demande d’entretien d’Andrea n’a pour l’instant pas abouti.

Cercle vicieux
Pour Mélanie, qui étudie également à Genève, le système n’est pas clair: «Il manque toujours un papier qui n’était pas sur la liste. Heureusement, on se débrouille entre nous pour recouper les informations et y arriver.» La première demande de bourse de Mélanie n’a pas abouti car elle n’avait pas les crédits nécessaires. «Je n’ai pas obtenu tous mes crédits en deuxième année car j’ai dû travailler beaucoup pour équilibrer les finances. J’habitais en France, les temps de trajets étaient longs et, à 22 heures, après des cours et le travail, je n’arrivais pas à étudier.» C’est donc un cercle vicieux qui s’est refermé sur Mélanie. Obligée de travailler, elle n’a pas eu le temps nécessaire pour étudier et, si elle n’avait pas travaillé, elle n’aurait pas eu les moyens d’étudier! Chercher l’erreur! D’autant plus que, selon un des critères d’attribution, l’étudiant doit faire preuve de «bonne volonté» et avoir une activité lucrative lui permettant de s’autofinancer. Certains étudiants se retrouvent donc pris entre des tenailles, d’un côté le travail, de l’autre les études, et, au milieu, des crédits à obtenir.
Espérons que l’acceptation de l’initiative le 14 juin permettra, non seulement d’avoir des moyens de vie décents, mais aussi d’éviter des injustices flagrantes et de permettre une vraie égalité des chances.

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