Avec cet ancien conseiller municipal d’Yverdon disparaît un homme
de convictions et un militant infatigable pour la justice sociale.
Jean-Louis Miéville appartenait au
groupe des « militants historiques »
du POP yverdonnois, avec Emile
Schönhardt, Albert Muriset, André
Maurer, Jean Mayerat et tant d’autres.
Il naît le 27 février 1926. Son père,
ouvrier mécanicien, cheminot sur locomotive
à vapeur, travaille sur la ligne
Yverdon-Sainte-Croix, alors privée. Syndiqué,
il lit Le Cheminot. Lors d’une
interview, Jean-Louis nous a dit se souvenir
d’une scène qui avait marqué son
enfance. Il avait alors dix ans. Le patron
de la ligne était venu à la maison menacer
sa maman de « foutre dehors » le
mari s’il restait membre du syndicat : « Je
vois encore ma mère qui était en
pleurs ». C’est au contact du vieux communiste
Schönhardt et de Mayerat que
Jean-Louis Miéville adhère tout naturellement
au POP en 1948. Il sera membre
du Conseil communal d’Yverdon de
1953 à 1973.
Ses engagements politiques lui vaudront
de graves et injustes ennuis professionnels.
Miéville, qui a fait un
apprentissage de mécanicien-électricien
à l’Ecole professionnelle d’Yverdon, travaille
depuis de nombreuses années
chez Paillard, à la totale satisfaction de
ses supérieurs. Mais il vient d’être élu à
la Commission des employés et la direction
ne veut pas d’un communiste dans
cette fonction. Les pressions pour l’obliger
à démissionner commencent en
1956 : son salaire est bloqué. En avril
1958, on lui donne son congé. Il est plus
que mollement défendu par le syndicat
FTMH. Celui-ci ne veut pas détériorer
les bonnes relations qu’il a avec le
patron… En revanche, le Conseil communal
d’Yverdon montre, lui, une certaine
noblesse : à l’unanimité, tous partis
confondus, il condamne ce délit d’opinion.
Un authentique libéral, Edmond
Aubert, « relève qu’il y a incontestablement
violation de la liberté d’opinion et
il souligne que le principe du respect de
la personne humaine est foulé aux
pieds » (Voix Ouvrière du 24 mai 1958).
Pendant deux mois, en pleine période
de haute conjoncture, Jean-Louis Miéville
sera le seul chômeur à Yverdon !
Paillard, entreprise alors toute puissante
dans la région, avant sa déconfiture,
exerce des pressions sur les patrons qui
veulent l’embaucher. Miéville ne retrouvera
du travail qu’au Locle, dans l’entreprise
d’horlogerie-décolletage Dixi, où il
finira par devenir fondé de pouvoir.
Pendant trente-deux ans, il fera chaque
jour les longs trajets Yverdon-Le Locle
pour gagner son pain.
Jean-Louis Miéville édite la Voix
Ouvrière des Usines, avec le très actif
militant Bernard Métraux père (1923-
1962), qu’il admire beaucoup. Après
la mort tragique de ce dernier, dans
un accident de moto, il épousera sa
veuve Pierrette et élèvera notre camarade
Bernard Métraux fils, lui communiquant
des convictions qu’il mettra
en pratique notamment comme
Municipal à Lausanne.
Jean-Louis Miéville est aussi député
au Grand Conseil vaudois de 1968 à
1978. Il se penche particulièrement sur
les questions fiscales. Et surtout Municipal
à Yverdon de 1973 à 1981, comme
responsable des Services sociaux. Il
marque profondément ceux-ci de son
empreinte : création d’une série de services
qui n’existaient pas, comme le
planning familial ; amélioration des allocations
communales pour personnes
âgées et nécessiteuses ; développement
de la crèche (le subside annuel passant
de 3’000 à 120’000 francs) ; création de la
Commission des immigrés, qui sont
alors 4’500 sur 22’000 habitants ; création
de 500 jardins familiaux, etc. Il vit
des tensions avec les socialistes, alors à
la syndicature, qui lui enlèvent la
gérance des bâtiments communaux.
Jusqu’au bout, et dans la mesure de ses
forces déclinantes, il s’est intéressé à la
vie du parti et à celle de sa région. Il est
décédé le 16 août.
Tout Jean-Louis Miéville est dans ce
travail social peu spectaculaire mais efficace.
L’homme était discret, introverti,
mais d’une grande bienveillance envers
les autres. Ce n’était pas un phraseur
mais un militant de terrain et d’action
concrète. Il nous disait en 1996 : « Je me
considère comme communiste. Disons,
j’essaie d’être communiste. On doit trouver
une façon de vivre qui permette à
choisir de s’épanouir et d’être respecté.
La formule “A chacun selon ses besoins“
me convient. Pour cela il faut établir
entre les humains une relation qui ne
soit pas de dominant à dominé, une
relation de collaboration et non d’exclusion.
» Avec Jean-Louis Miéville, tant
notre parti que la région du Nord vaudois
perdent un homme de convictions,
persévérant, qui a payé cher ses engagements.
A toute sa famille, nous exprimons
notre amicale sympathie.