Le compositeur français décédé à l’âge de 97 ans a marqué le siècle par sa musique visionnaire et poétique.
Le compositeur Henri Dutilleux est mort.
Il avait 97 ans. Il a été unanimement respecté
et admiré, sa musique s’imposant
d’emblée par son côté visionnaire, poétique,
par ses sonorités fascinantes, parfois âpres et
austères ou frémissantes de lyrisme, par son
indépendance créatrice. Attentif à ce qui se
passait dans le monde, curieux des différents
courants artistiques qui ont marqué son
siècle, s’intéressant aux créations nouvelles, il
n’en a pas moins élaboré une écriture personnelle,
directement accessible au public, qui
répondait à ses exigences de cohérence
interne, à sa perception du temps musical.
« La musique se déroule dans l’instant, mais
l’instant s’inscrit dans le temps », disait-il. Il a
relativement peu écrit, et il citait à ce propos
un philosophe chinois : « Si ce que tu as à dire
n’est pas plus beau que le silence, tais-toi. »
Rappelons quelques-unes de ses oeuvres : le
concerto pour violoncelle « Tout un monde
lointain », celui pour violon « L’arbre des
songes », son quatuor « Ainsi la nuit », des
titres qui correspondaient soit à un choc
émotif ressenti devant telle oeuvre picturale
ou littéraire, soit à des images sonores ou qui
s’imposaient une fois la pièce terminée. Et qui
pouvaient aider à en saisir l’esprit et le climat
musical. Certains titres sont révélateurs d’une
appréhension du sacré, mystique plus que
philosophique, d’une dimension cosmique
qui se développe peu à peu au fil de ses partitions.
Il décrivait son itinéraire artistique
comme une évolution régulière, avec des
constantes dans la recherche de timbres, de
résonances, de formes, un langage en « croissance
progressive ».
Il s’était installé avec sa femme, la pianiste
Geneviève Joy, en l’ìle Saint Louis à Paris,
après avoir traversé les turbulences de son
époque, gagné d’abord sa vie à la radio, avant
de se consacrer entièrement à son métier de
compositeur dès 1963. Homme de communication,
à l’accueil infiniment courtois, il
s’avouait « constamment écartelé entre le désir
ardent de rencontrer, de transmettre et le
besoin farouche de solitude et de méditation
». Du reste, il se retirait volontiers, en fin
de saison quand les vacanciers étaient partis,
à La Sage, dans le Val d’Hérens, pour y travailler.
Compositeur français ? Oui, répondait-il,
« mais avec ce levain de l’étranger, nécessaire à
tout art national pour qu’il ne se sclérose
pas ».