La Centrale sanitaire suisse, qui oeuvre pour la solidarité
internationale, a célébré à Genève ses 75 ans d’existence d’engagement.
Née en 1937 pour soutenir sur le plan médical les Républicains
espagnols en guerre, la Centrale sanitaire
suisse a effectué des missions en Yougoslavie auprès
des Partisans de Tito, puis apporté son soutien aux opposants
et victimes du fascisme en 1945. La guerre froide l’a contrainte
à cesser toute activité. Elle renaît en 1965 à travers les groupes
d’« Aide au Vietnam » et sera très agissante pendant les guerres
américaines en Indochine. Dès 1978, elle diversifie ses activités,
s’engage en Amérique latine, en Palestine, aux côtés des
Sahraouis. Continuité d’une solidarité internationale qui a
pour mission de réduire les injustices sociales, politiques et
économiques qui empêchent l’accès équitable à la santé. Ces
75 ans méritaient donc d’être fêtés ! Ils l’ont été, avec la participation
d’un assez nombreux public, le samedi 6 octobre à la
Maison des Associations.
Une fête axée d’abord sur la réflexion, avec un débat
conduit par la présidente de la CSSR (romande) Viviane Luisier,
sur le thème : « Santé pour tous : luttes locales pour un
problème global ». Le conseiller d’Etat vaudois Pierre-Yves
Maillard, très engagé, on le sait, dans la promotion de l’égalité
devant l’accès à la santé, a résumé quelques réalisations
vaudoises visant les populations précarisées, les clandestins,
les migrants : ainsi l’ouverture, à la Policlinique, d’un centre
de consultation pour les migrants non affiliés à la LAMal ;
l’appui linguistique (par des interprètes) aux populations
immigrées dans leurs rapports avec la médecine, notamment
psychique ; la mise sur pied d’une équipe mobile d’urgence
sociale pour aller au-devant des populations alcoolisées ou
droguées qui ne viennent pas spontanément consulter à l’hôpital.
Certes, les « problèmes de santé » dans notre pays riche
n’ont rien à voir avec ceux, beaucoup plus aigus, que
connaissent les pays en développement. La solidarité internationale
est donc un devoir éthique. Dans le canton de
Vaud, les subsides au développement du Département de la
santé publique ont été multipliés par six ces dernières
années.
Les témoignages forts
de deux sages-femmes d’Amérique latine
Le moment le plus fort du débat fut sans doute le témoignage
de Maria Cecilia Escobar, sage-femme traditionnelle guatémaltèque
d’origine amérindienne. Elle a rappelé que ces
« sages-femmes traditionnelles » (soutenues d’ailleurs par un
projet de la CSS) sont porteuses d’un savoir ancestral millénaire,
par exemple dans la connaissance des plantes médicinales,
la pratique de massages, etc. Elles travaillent dans les
zones rurales éloignées et touchent 80% des accouchées. Nonobstant
cette forte implication sur le terrain, elles ont beaucoup
de peine à voir leur savoir reconnu par le gouvernement.
La plupart étant illettrées, ces sages-femmes reçoivent un
enseignement oral, théorique et pratique, dispensé d’abord par
leurs mères puis par des formatrices et en hôpital, pour obtenir
finalement un diplôme. Elles ne récusent nullement l’acquisition
du savoir scientifique occidental. Dans l’autre sens,
elles pourraient sans doute apporter beaucoup aux sagesfemmes
formées par la médecine occidentale. Une rencontre
d’échanges a d’ailleurs déjà été programmée auprès de l’Hôpital
de Genève !
Autre pays latino-américain, autre situation. L’Uruguay,
beaucoup plus riche, dispose déjà d’un système médical performant.
N’est-ce pas dans ce pays qu’a été inventé le monitoring,
permettant d’entendre les pulsations cardiaques du
bébé ? Le gouvernement socialiste ou progressiste, au pouvoir
depuis 2004, a lancé un programme de réformes visant
notamment la promotion des mammographies et du dépistage
du cancer du col de l’utérus, ainsi qu’une humanisation
de la médecine, notamment auprès des accouchées. Il s’agit
maintenant de traduire ces intentions dans la réalité quotidienne
des centres de soins.
Le public, intéressé, s’est manifesté par des remarques et
des questions. Une intervenante venue du Mali a rappelé que
80% des Africains n’ont pas accès aux médicaments occidentaux
et insisté pour que soient mises en commun et développées
les différentes expériences, africaines mais aussi latinoaméricaines
et asiatiques, de « tradithérapies ». On peut
conclure cette partie de la soirée consacrée à la réflexion par
la phrase de P.-Y. Maillard selon laquelle, en Suisse et dans le
monde, « un des grands projets du mouvement progressiste
est celui de permettre et de renforcer l’accès aux soins ». Puis
une sympathique verrée et un magnifique buffet ont permis
aux participants de fraterniser et d’échanger leurs idées, tout
en écoutant des chants de lutte latino-américains. Longue vie
à la CSS !
Signalons, à l’occasion de ce 75e, la parution d’un livre, Santé pour tous et solidarité
internationale. Entre pratiques dominantes et alternatives (15 fr.). Pour
le commander : info(at)css-romande.ch. Ainsi que deux autres soirées organisées
par la CSS, à Delémont le 19 octobre et à Lausanne le 16 novembre, avec
projection du film documentaire Es mi vida, tourné au Nicaragua, sur la prévention
des grossesses précoces. Voir le site www.css-romande.ch