« Nous voulons éviter toute forme de dumping »

Un véritable coup de tonnerre. A Genève, le géant pharmaceutique Merck Serono prévoit de fermer son siège de Sécheron, faisant planer la menace de disparition de près de 1'250 emplois. Davide De Filippo, secrétaire syndical au Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT), fait le point de la situation, de même que sur la mobilisation de la fonction publique cantonale qui a prévu de faire grève le 10 mai. Interview.

Un véritable coup de tonnerre. A Genève, le géant pharmaceutique Merck Serono prévoit de fermer son siège de Sécheron, faisant planer la menace de disparition de près de 1’250 emplois. Davide De Filippo, secrétaire syndical au Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT), fait le point de la situation, de même que sur la mobilisation de la fonction publique cantonale qui a prévu de faire grève le 10 mai. Interview.

La fermeture du siège de Merck Serono à Genève vient d’être annoncée. Comment réagissez-vous ? Que vont faire les syndicats dans la négociation du plan social pour les personnes licenciées ?
Davide De Filippo C’est un événement déplorable et regrettable du fait qu’il s’agit du plus gros licenciement collectif du Canton, carrément révoltant lorsque l’on sait que l’entreprise a parallèlement augmenté de 20% les dividendes aux actionnaires. Il faut espérer que les autorités politiques feront tout pour favoriser le maintien de l’emploi. Du côté du SIT, nous allons immédiatement réunir nos membres concernés et vérifier si un mandat d’intervention directe dans le dossier nous est donné. Dans tous les cas, nous entreprendrons activement toutes démarches de soutien solidaire au travers de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS). Sur le plan politique, je dirai que cette fermeture questionne sévèrement les choix de politique économique du Canton, essentiellement centrée sur le tertiaire et où le secteur secondaire et industriel est laissé à l’abandon. Voilà où nous mène la priorisation cantonale sur les sociétés de négoce, qui oublie les secteurs créateurs d’emplois.

Le 10 mai, la fonction publique a annoncé qu’elle débrayerait. Pourriez-vous nous rappeler les raisons de la colère ?
Les revendications portent sur trois aspects, soit l’assainissement des caisses de pension, la politique salariale et la question des effectifs. Aujourd’hui, les salariés de la fonction publique sont confrontés à une surcharge de travail, à une dérégulation des horaires et à une flexibilisation de plus en plus importante. Ce qui péjore finalement les prestations offertes à la population. Nous demandons donc une augmentation des effectifs et, par ailleurs, que le gouvernement applique intégralement les mécanismes salariaux.
L’autre question importante touche à l’assainissement des caisses de pension. La nouvelle Loi fédérale demande que les caisses assurent une couverture à 80% des rentes dues d’ici 2040. Il s’agit maintenant de savoir qui paie ce montant qui pourrait avoisiner les 5 milliards sur l’ensemble de la période. L’employeur doit assurer sa part et ne pas faire porter l’entier de la charge sur les retraités et actifs de la fonction publique. En juin 2011, les syndicats, à l’exception du SSP, ont signé un accord nous imposant de lourds sacrifices. Celui-ci prévoit un allongement de la durée de cotisations et leur hausse, un relèvement de l’âge de départ à la retraite, et des diminutions de rentes. En échange, nous avons obtenu que soit maintenu le modèle basé sur la primauté des prestations, qui est bien meilleur que celui basé sur la primauté des cotisations. Nous avons aussi maintenu le principe que l’employeur paie le 2/3 des cotisations et le maintien de l’âge de la retraite à 60 ans pour les professions à pénibilité physique comme dans les hôpitaux. Or, tout cet accord a été remis en cause du fait que la Chambre suisse des actuaires-conseils a réduit le taux technique de conversion de 4,5% à 3,5%. Ce taux de rendement plus faible implique que la facture sera alourdie de plusieurs centaines de millions supplémentaires. La question est de nouveau de savoir qui paie. Nous voulons que l’Etat assure ce geste supplémentaire.

Au-delà de la mobilisation des fonctionnaires, quelles sont les autres échéances des syndicats SIT et de la CGAS ?
Il y en a plusieurs. Dans la suite de l’initiative déposée par la CGAS sur la question, la campagne contre la sous-enchère salariale demeure une priorité. Concernant les échéances de votations du 17 juin, nous allons faire campagne pour soutenir l’initiative sur les crèches et combattrons aussi la loi sur la gouvernance des régies publiques qui prévoit de supprimer la représentation politique dans ces entreprises et d’y réduire le nombre d’élus du personnel. Dans le secteur de la construction, nous voulons faire reconnaître le principe de la responsabilité solidaire des entreprises avec leurs sous-traitants, pour éviter toute forme de dumping. Nous nous battrons aussi pour que soit imposée une CCT dans la vente. Pour finir, et même si l’échéance n’est pas pour demain, nous continuerons à demander la régularisation collective des sans-papiers. Nous devons combattre tous les discours xénophobes ou protectionnistes en matière de libre circulation, tout en renforçant les mesures d’accompagnement des accords bilatéraux.