Malgré un déficit inférieur d’un million de francs par rapport au budget publié, la Ville de La Chaux-de-Fonds a clôturé ses comptes 2010 sur une perte de 5,88 millions. Les revenus se montent à 218 millions de francs alors que les charges atteignent 224 millions. « Ce résultat est largement dû à la faiblesse des recettes fiscales, liée à la période de crise et aux diminutions de revenus qui ont affecté tant les entreprises que les personnes physiques », a expliqué le Conseil communal devant le parlement de la Ville, en soulignant que la rigueur de gestion des services avait permis de limiter les pertes.
Au nom du groupe du Parti ouvrier et populaire, Pascale Gazareth a accepté ces comptes. L’oratrice a reconnu que la rigueur est souvent pénible à vivre « quand on a à cœur de fournir à la population le meilleur service possible ». Ceci dans un contexte où cette rigueur dure et durera probablement encore longtemps. « C’est rageant quand on pense aux efforts fournis, rageant quand on voit les principales communes du canton parvenir à l’équilibre. Et bien plus que rageant quand on pense à la richesse du tissu économique local et la faiblesse de sa contribution à la bonne marche de notre collectivité. » La popiste a soulevé la question de base : « Avec sur notre territoire des marques aussi prestigieuses que Cartier, Tag Heuer, Stryker, Energizer, etc., difficile de comprendre comment nous n’encaissons que 16,6 millions au titre de l’impôt sur les personnes morales. »
La présidente de la section de La Chaux-de-Fonds a ensuite approfondi dans son intervention son analyse de la situation.
Pascale Gazareth L’année 2010 a été encore largement marquée par la crise d’origine financière qui a fait exploser la bulle de croissance dans laquelle l’industrie horlogère se développait depuis plusieurs années, entraînant avec elle toute l’économie locale. Elle a même débuté sous le triste signe d’un taux de chômage historique et dont les effets devenaient palpables dans la consommation des ménages chaux-de-fonniers. Heureusement, la situation s’est ensuite redressée, ce qui a sans doute contribué au résultat “moins mal que prévu“ de nos comptes. Malgré tout, l’aide sociale, qui intervient régulièrement pour compenser des salaires trop faibles ou des indemnités de chômage ne permettant pas de vivre décemment, a connu une nouvelle hausse cette année encore. Si on la jugeait à l’échelle de la progression marginale de son chiffre d’affaire, l’aide sociale aurait de quoi satisfaire bien des investisseurs. Mais elle n’est malheureusement que le triste reflet des difficultés financières d’une part grandissante de la population pour qui le travail n’est plus un rempart à la pauvreté ou dont les forces productives n’ont plus aucune valeur sur le marché de l’emploi. Autre signe de paupérisation de la population, les recettes de l’impôt sur les personnes physiques qui accusent une baisse malgré une légère hausse de la population et en l’absence de départs significatifs parmi les contribuables les plus aisés.
Le contexte actuel creuse les inégalités sociales, par les effets conjugués des politiques de rémunération des entreprises, dont les plus grosses ont largement adopté des modèles managériaux privilégiant largement les actionnaires et les managers au détriment des salariés, des restrictions dans les assurances sociales, qui ne jouent plus aussi bien leur rôle protecteur pour les populations qui en ont le plus besoin et qui induisent un transfert vers l’aide sociale financée par les cantons et les communes, et enfin des réformes fiscales qui favorisent systématiquement les contribuables les plus aisés. Dans ce système, les communes comme la nôtre doivent affronter à la fois une hausse de leurs dépenses et une baisse de leurs revenus. Elles s’appauvrissent. Pour assurer leurs prestations et entretenir des infrastructures dont les coûts tendent à augmenter avec l’élévation des normes de sécurité ou les attentes en terme de confort et de diversité, elles empruntent. A qui ? Aux banques, lesquelles gèrent l’argent accumulé par les plus riches grâce à la spoliation des salariés et aux baisses fiscales. Des plus riches qui gagnent alors sur les deux tableaux, touchant à la fois le beurre et l’argent du beurre.
Sur un autre plan, les entreprises exigent toujours plus de flexibilité de la part de leurs employés. Elles n’hésitent pas à délocaliser leurs sites de production d’une région à l’autre, pour mieux profiter des gains substantiels que de savants montages financiers leur permettent de réaliser en jouant sur les différences des systèmes de taxation. Les exigences de la société de consommation et la stagnation des salaires réels obligent de plus en plus de couples à cumuler les emplois pour joindre les deux bouts. Mais il n’est pas toujours facile de trouver du travail dans la même commune que celle où on habite. Surtout quand les taux d’intérêt historiquement bas et les intérêts des lobbys bancaires et entrepreneuriaux poussent à l’accession à la propriété et qu’on hésite à se séparer du petit nid douillet qu’on s’est construit au vert dans une petite commune offrant diverses facilités pour tenter de contenir l’exode de sa population vers les grands centres urbains. En conséquence, la mobilité est devenue une caractéristique essentielle de la vie moderne. Elle pose néanmoins de nombreux problèmes, comme l’augmentation des infrastructures liées aux transports et le déséquilibre, pour les collectivités publiques, entre dépenses et recettes liées aux emplois. Ici encore, hausse des dépenses et pertes de recettes pénalisent doublement certaines communes comme la nôtre. A ce titre, relevons que la restitution d’impôts par l’Etat français sur l’emploi frontalier est bien supérieure à ce que notre ville touche au titre de la péréquation intercommunale.
Et cela m’amène à mon dernier point : le besoin impératif d’une répartition des recettes des personnes morales entre les collectivités publiques concernées par une même entreprise. L’initiative communale que notre conseil a déposée au Grand Conseil se révèle aujourd’hui plus urgente que jamais. La réforme de la fiscalité des entreprises sur laquelle nous allons bientôt revoter risque bien d’accentuer encore les inégalités entre communes. Ces inégalités ne se justifient aucunement à l’heure où lieu de vie et de travail sont largement dissociés et où la promotion économique est portée par toutes les collectivités publiques au prorata du nombre d’habitant mais sans tenir compte des coûts d’implantation et de mobilité. Pour nous, nous le répétons, il ne peut y avoir de réforme de la fiscalité sans apporter de réponse satisfaisante au creusement des inégalités entre les communes. Dans ce sens, la cantonalisation n’est pas l’option que nous privilégions car elle conduirait à réduire encore un peu plus la marge d’autofinancement des communes et des villes en particulier, lesquelles ont besoin d’une certaine masse budgétaire pour financer leur développement.