Un vent froid souffle sur la législature

Le parlement a rejeté le programme d'austérité du Conseil d'Etat pour les trois prochaines années.

Le parlement a rejeté le programme d’austérité du Conseil d’Etat pour les trois prochaines années.

Par 56 voix contre 50, la gauche a rejeté mardi le programme de législature présenté par le Conseil d’Etat.

Daniel Ziegler a sans doute été le plus précis dans ses critiques. Pour le porte-parole du groupe PopVertsSol, un programme de législature fixe les priorités politiques du gouvernement pour les années à venir et le plan financier, qui en découle. Mais celui présenté au Grand conseil ne répond pas à ces règles. Le programme de législature et le plan financier ont bien peu en commun, si ce n’est la volonté, en soi louable, de rétablir les finances de l’Etat.

Le Conseil d’Etat évalue le déficit structurel annuel de l’ordre de 90 millions et des dépenses supplémentaires prévues de 60 millions. Pour faire face à cette hypothèse, ce sont 150 millions chaque année qu’il s’agit de trouver dans un délai de 6 ans.

La première pierre d’achoppement qui a heurté le député, c’est que le Conseil d’Etat entend trouver ces 150 millions par le biais de seules économies : « Pas une ligne ne traduit un souci d’optimisation des rentrées fiscales. Cela au moment même où une commission planche sur une révision de la fiscalité des entreprises. Qu’est-ce que cela signifie ? Que les forfaits fiscaux temporaires, destinés à attirer des entreprises exogènes, se voient pérennisés sous la forme d’une nouvelle baisse fiscale générale pour les personnes morales ? » Quand on sait que le déficit structurel de l’Etat découle pour une bonne part de ces cadeaux fiscaux, on comprendra, que le groupe PopVertSol n’ait pu suivre le gouvernement qui veut sacrifier une fois de plus la santé, le social, la formation et les contribuables physiques au profit des entreprises.

Obnubilé par l’assainissement financier, le Conseil d’Etat sort sa calculette et les moyennes nationales de dépenses pour calculer les potentiels d’économies par groupes de tâches. Le résultat est limpide, 80 millions à économiser dans la seule prévoyance sociale, 20 à 32 millions dans les deux autres grands postes que sont la formation et la santé.

Une politique pas très sérieuse ni très responsable

Et le député de critiquer la méthode qu’il juge pour le moins contestable basée sur une foi aveugle en la méthode du « brenchmarking » et sur des bases bien fragiles. Cela revient à constater que « les frais de déneigement sont bien plus élevés à la Chaux-de-Fonds qu’à Neuchâtel et d’exiger que les premiers soient abaissés en conséquence ! »

En fait, il s’agit d’une logique purement comptable, sans la moindre considération politique comme le démontrent les questions soulevées par le député chaux-de-fonnier. « Pourquoi les dé-penses sociales sont-elles comparativement si élevées dans ce canton ? Est-ce parce que nous jetons de l’argent par la fenêtre ? Ou est-ce dû à la composition socio-économique de notre population ? Que signifie ramener les coûts de la santé à la moyenne nationale ? N’est-ce pas assurer des prestations au-dessous de la moyenne nationale ? Nous avons une population plus âgée, plus modeste qu’ailleurs ; 20km ici à vol d’oiseau, ce ne sont pas 20km en région zurichoise. Ce sont tous des paramètres qui renchérissent les coûts de la santé si l’on vise une qualité de prestations comparable. Et que signifie véritablement que nos coûts de formation sont de 4% plus élevés que la moyenne nationale ? Nous sommes un petit canton universitaire et le budget de l’université pèse lourd dans celui du DECS, même si cette uni rapporte bien davantage encore, on le sait, à l’économie du canton. »

Et Daniel Ziegler de poursuivre que « nous avons 20% de formation duale en moins qu’ailleurs, ce qui coûte également. En d’autres termes, si l’on soustrait ces deux paramètres, on s’aperçoit que nous sommes l’un des cantons qui investit le moins par tête d’élève à l’école obligatoire et au lycée. Il n’y a guère que le Tessin qui est encore moins bien loti. »

Coûteux Transrun

Avec ténacité, il a rappelé que les jeunes Neuchâtelois arrivent sur les bancs de l’Université avec l’équivalent de deux ans de formation de moins que leurs camarades fribourgeois ou valaisans ! Et ce n’est pas l’introduction d’Harmos qui va y changer quelque chose, puisque Neuchâtel, fidèle à lui-même, n’augmentera le nombre d’heures d’enseignement que du strict minimum pour être Harmos-compatible. « Et il faudrait encore retrancher 32 millions dans la formation ? Est-ce bien raisonnable ? Est-ce bien responsable ? » s’est demandé le député.

Daniel Ziegler a ajouté encore une remarque sur le projet du Conseil d’Etat. Le Transrun (le projet de transport urbain neuchâtelois) représente à lui seul près du tiers des 150 millions à trouver. Actuellement, le groupe PopVertSol est majoritairement acquis à ce projet. Mais si celui-ci devient le veau d’or sur l’autel duquel on sacrifie le social, la santé et la formation, ce soutien risque bien de s’effriter rapidement.

Pour ne pas se complaire dans une simple attitude de refus, les députés PopVertsSol ont déposé plusieurs postulats pour contribuer de façon constructive à faire avancer le débat.

La droite a accepté ce programme se réjouissant de la volonté du gouvernement de s’engager dans la réduction des charges cantonales. Le représentant de l’UDC a même trouvé que le Conseil d’Etat manquait d’audace. Pour Jean Studer, il s’agit cependant d’accélérer le processus d’assainissement entamé avec le frein aux dépenses. Ses propos restent immuables que le gouvernement soit à gauche ou à droite !